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Les « loups de Pékin » : le déni européen face à une propagande chinoise de plus en plus agressive

Les « loups de Pékin » : le déni européen face à une propagande chinoise de plus en plus agressive
Le Parti communiste chinois reste rompu à l’influence à l’étranger. (Photo by GREG BAKER / AFP) (Photo by GREG BAKER/AFP via Getty Images)

Le narratif chinois en Europe se répand, et Pékin semble bien avoir une stratégie d’influence et de propagande bien plus rodée que les pays de l’UE ne l’imaginent pour la plupart, alerte une spécialiste tchèque de l’influence étrangère.

Pourquoi est-ce important ?

L'Europe veut développer une ligne plus dure pour ses relations avec la Chine qui, de purement commerciales, virent de plus en plus à la rivalité. Mais l'UE garde une certaine difficulté à parler d'une seule voix, tandis que l'Empire du Milieu, lui, intensifie sa propagande avec une stratégie planifiée.

Quand Pékin veut semer la zizanie

Dans l’actualité : Ivana Karásková, spécialiste tchèque de l’influence étrangère et conseillère de la vice-présidente de la Commission européenne Věra Jourová, sonne l’alarme auprès de Politico sur le danger que représentent les « guerriers-loups » (wolf warrior diplomats) de Pékin.

  • La Chine a intensifié, depuis 2019, son recours à la propagande directe, mais aussi le financement secret de groupes de réflexion, d’institutions universitaires et d’organisations à but non lucratif estime-t-elle. Et ce, tant pour mettre en avant le narratif de Pékin que pour semer la zizanie entre les pays européens, et plus encore entre l’UE et Washington.
  • Or, la prise de conscience de ce travail de sape pourrait être bien meilleure. Les déclarations de Macron par exemple, à contrecourant des USA et de pas mal de pays de l’UE sur la question de Taïwan, étaient du pain bénit pour Pékin.

« Dans certains pays, la conscience est élevée parce qu’ils ont un passé d’actions soutenues par la Russie. Ailleurs, c’est le déni total : la prise de conscience est très inégale, dans certains pays, la discussion n’a pas lieu du tout. L’ensemble de l’Europe occidentale ne regarde pas. Et pourtant, certains cas sont tellement flagrants. »

Ivana Karásková auprès de Politico

L’experte prend pour exemple les récits pro-chinois qui se retrouvent parfois dans certains médias européens et qui, dans le cas de deux radios de son pays natal, avaient été littéralement écrits par des mains chinoises.

Des médias qui écoutent les sirènes chinoises

  • Les deux stations de radio de République tchèque, nommées HEY et COLOR, et qui ont le même PDG, recevaient régulièrement du contenu, y compris des scripts pré-écrits, du radiodiffuseur d’État China Radio International.
  • Ce n’est que quand Karásková a démontré cette connivence que les radios ont arrêté cette collaboration, qui n’avait jamais été explicitement signalée par les médias. Elle estime que plus d’un millier d’émissions,longues de 30 minutes chacune, ont été dictées par la Chine, en particulier sur des points de politique internationale, comme le statut de Taïwan.

« Ce n’était pas de la propagande directe dans le sens où ils disaient que Xi Jinping était le meilleur dirigeant de la planète. Mais un grand nombre d’épisodes ont fait l’éloge du PCC. »

Ivana Karásková

Une inquiétude qui ne concerne d’ailleurs as que les médias, mais qui s’étend aussi aux mondes culturels et universitaires, très vulnérables au soft power à la chinoise.

Un « soft power » parfois musclé

  • On peut citer les instituts Confucius, des établissements culturels publics à but non lucratif, implantés depuis 2004 par Pékin un peu partout dans le monde et qui dispensent des cours de chinois et de culture chinoise. Mais qui constituent aussi « une part importante du dispositif de propagande de la Chine à l’étranger » selon l’aveu même de Li Changchun, membre permanent du Politburo chinois.
  • L’Université libre d’Amsterdam a aussi récemment mis fin à un flux de financement chinois à la suite d’une enquête, tandis que des accusations qui vont de l’espionnage à la tentative d’influence se multiplient.
  • On se rappelle, par exemple, de l’affaire d’une exposition sur le souverain mongol Gengis Khan à Nantes, en France, qui ne pouvait obtenir des pièces venues de musées chinois que si certains mots en étaient exclus. Des mots tels que « Gengis Khan » ou « empire mongol ». La collaboration a été annulée en 2020, et l’exposition reviendra en octobre prochain sous une forme non approuvée par Pékin. Et donc privée des artefacts mongols que la Chine considère comme siens.
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