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« Le plafonnement du prix du gaz en Europe ne fera pas de différence » : le plafond européen sous le feu des critiques

« Le plafonnement du prix du gaz en Europe ne fera pas de différence » : le plafond européen sous le feu des critiques
(Getty Images)

Selon plusieurs experts, le plafond des prix du gaz, décidé lundi par l’UE, n’est pas une solution face à la crise. Les seuils ne risqueraient pas d’être atteints, et dans le cas où ils le seraient, c’est l’approvisionnement qui pourrait être en danger. Les négociants vont le contourner, entend-on également.

Pourquoi est-ce important ?

Depuis plus d'un an, mais encore plus depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie, l'Europe est aux prises avec une crise énergétique. L'offre de gaz est réduite. Avec un plafond sur les prix du gaz, l'Europe veut empêcher que les prix puissent s'envoler de manière spectaculaire, comme c'était le cas à la fin de l'été. L'année 2023 est encore une grande inconnue - ce plafond fera-t-il effet ?

Dans l’actu : Les 27 ministres de l’Energie se sont mis d’accord sur un plafond sur le prix du gaz ce lundi.

  • Montant retenu : 180 euros le MWh. Le mécanisme s’active si et seulement si le prix est à ce niveau (sur le marché de gros européen, TTF) pendant trois jours à la suite, et qu’il dépasse, pendant ces mêmes trois jours, le prix du marché mondial du GNL de 35 euros.

Le détail : Ce plafond aurait été atteint pendant plus de 40 jours en 2022.

  • Selon les calculs de S&P Global Commodity, c’était le cas en août et en septembre, lorsque le prix a atteint un pic de 350 euros le MWh.

L’essentiel : Un plafond dont l’efficacité peine à convaincre.

  • D’un côté, les politiques se félicitent : « Aujourd’hui, nous sommes parvenus à un accord sur une proposition de mécanisme de correction du marché visant à protéger les citoyens et l’économie contre les prix trop élevés de l’énergie. Depuis le début, nous avions un objectif commun : garder les prix sous contrôle et garantir la sécurité de l’approvisionnement. Aujourd’hui, nous avons atteint cet objectif », se réjouit la ministre belge de l’Energie, Tinne Van der Straeten, sur Twitter, grande défenseuse d’un plafonnement qu’elle promet depuis des mois.
    • Argumentaire similaire pour Jozef Síkela, ministre tchèque de l’Energie, cité dans le communiqué de la réunion : « Nous avons réussi à trouver un accord important qui protégera les citoyens de la flambée des prix de l’énergie. Nous allons mettre en place un mécanisme réaliste et efficace, qui comprend les garanties nécessaires pour nous éloigner des risques pour la sécurité de l’approvisionnement et la stabilité des marchés financiers. »
  • Mais de l’autre côté, les observateurs ne lésinent pas sur les critiques. Wolfgang Munchau, du service d’information Eurointelligence, ne mâche pas ses mots : « Le plafonnement du prix du gaz en Europe ne fera pas de différence parce que les seuils ne seront pas atteints, ou si c’était le cas, ils mettraient en danger la sécurité de l’approvisionnement« , plaide-t-il sur Twitter.
    • Comme indiqué plus haut, les seuils auraient été atteints cette année. Mais depuis début octobre, le prix est passé en dessous du plafond, et se tient aujourd’hui à environ 100 euros. L’évolution du prix, dans les mois à venir, en fonction du climat et de l’état de remplissage des réserves (83,8% ce mardi, une chute de 5% après une semaine de froid), reste une grande inconnue pour l’instant. Mais même si le plafond n’est pas atteint, un MWh à 150 euros par exemple reste un prix très élevé.
    • Le risque pour la sécurité de l’approvisionnement (les fournisseurs choisissant les clients qui paient plus), était une critique que partageaient aussi l’Allemagne et les Pays-Bas, quant à l’instauration du plafond.
  • Pour Thierry Bros, expert en énergie et professeur à Science Po Paris, les négociants vont simplement contourner le mécanisme : « Les dirigeants politiques ont maintenant le mandat de « réparer » tous les marchés libres avec un plafond, une limite, etc. Les traders vont bientôt tester le mécanisme pour vérifier s’il est sain. Spoiler : ça ne marchera pas. Les producteurs vont éviter le TTF et revenir au NBP (le marché de gros britannique, NDLR). Je soupçonne que le Royaume-Uni sera heureux », écrit-il sur Twitter.
  • Pour Simone Tagliapetra, expert en énergie pour le think tank Bruegel, la solution est ailleurs. « Il n’y a pas de solution miracle. Les pays de l’UE devraient se concentrer sur les véritables solutions à la crise, par exemple en réduisant la demande et en encourageant l’adoption de mesures écologiques« , écrit-il lundi soir sur Twitter. Dans les pages du quotidien italien La Stampa, il réitère les critiques de Munchau : ce plafond pourrait ne jamais être atteint. Il s’inquiète aussi pour l’approvisionnement, plafond ou pas.

Le contexte : La fin d’une saga.

  • « La seule bonne nouvelle de l’accord est que ce débat fastidieux est terminé », fustige Munchau dans son tweet.
  • Ce plafond était en effet venu sur la table en début d’année. Il était entre autres plébiscité par la Belgique. Après dix mois, de nombreuses décisions « de décider plus trad » et d’espoirs que « la prochaine réunion sera la bonne« , l’UE a donc enfin son plafond des prix.
  • Une saga qui tenait un peu du mythe de Sisyphe. Le ministre tchèque Síkela, dont le pays a la présidence de l’UE, avait indiqué plus tôt cette année que cela prendrait « autant de conseils sur l’énergie qu’il en faudra ». Il a clôturé la saga avec un trait d’humour : ce lundi, à la conférence de presse où le plafond était présenté, il portait un pull avec cette phrase, en référence à la multiplication des Conseils des ministre de l’Énergie pour arriver au résultat d’aujourd’hui.
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