La banque a vendu des titres de prêts d’oligarques russes à des investisseurs, pour amoindrir les risques. Mais cette semaine, elle aurait demandé aux investisseurs d’effacer toutes les traces. Même si la pratique est légale, détenir des prêts d’oligarques russes, à l’heure de la guerre en Ukraine et des sanctions internationales, peut ne pas sembler très éthique. La banque subit encore le revers d’un autre scandale éthique révélé la semaine dernière : elle détient de nombreux comptes de grands criminels.
Des oligarques russes détiennent des prêts auprès de l’institution de crédit, Crédit Suisse. En 2017 et 2018, certains oligarques (visés par des sanctions) étaient en défaut de paiement, sur des prêts contre lesquels ils avaient mis leur yacht ou jet privé en hypothèque. Les oligarques russes représentaient même un tiers des défauts de paiement de ce type de prêts en particulier.
Selon des informations du Financial Times, la banque a alors essayé d’amoindrir les risques liés à cette exposition. Elle a alors vendu des parts de ces prêts, via des portefeuilles sécurisés, à des fonds de couverture et à des investisseurs. La garantie que sont les objets de grand luxe a notamment intéressé et rassuré les investisseurs. Jusque-là, business as usual.
Mais cette semaine, Crédit Suisse aurait contacté ces investisseurs pour demander de « détruire et effacer de manière permanente » toute preuve de ces transactions. « Je ne pense pas que nous ayons déjà eu une demande comme celle-ci », commente notamment un investisseur qui a réceptionné la lettre.
Timing
Crédit Suisse ne commente pas les informations, mais répond au magazine Fortune que l’institution « sert ses clients en se conformant à toutes les lois et réglementations applicables, y compris les éventuelles sanctions des autorités compétentes ».
La question du moment où les titres ont été émis n’est pas claire. Mais de tels contrats ne se font pas du jour au lendemain, donc il semble certain que la banque travaillait dessus avant même que la Russie n’envahisse l’Ukraine.
En tout, le contrat a une valeur de deux milliards de dollars, et fait partie d’une approche plus responsable dans la gestion des risques financiers. Avec la chute de la société d’investissement Archegos en mars 2021, Crédit Suisse avait notamment perdu plus de cinq milliards de dollars. Dans ces deux milliards, il est cependant impossible de savoir quel pourcentage équivaut à des prêts à des oligarques russes proches de Poutine.
Scandales éthiques
En termes légaux, il n’y a ici rien à reprocher à Crédit Suisse, analyse Fortune. La banque n’est par exemple pas prise la main dans le sac, avec des actifs de ces oligarques incriminés en sa possession, par exemple comme garantie contre les prêts ou même faisant partie des titres. Cependant, même avant la guerre, ces oligarques n’étaient pas considérés comme des anges, et l’un ou l’autre était déjà visé par des sanctions internationales. La question à se poser est donc la suivante : la banque a-t-elle les bonnes balises pour refuser des contrats qui l’entrainent dans des scandales éthiques ?
Rien que la semaine dernière, un énorme scandale a été révélé par la Süddeutsche Zeitung : un lanceur d’alerte a partagé des documents qui montraient qu’environ 18.000 comptes étaient détenus par des criminels, comme des barons de la drogue ou des hauts fonctionnaires corrompus.