Le gouvernement fédéral instaure un nouveau cadre de surveillance plus rigoureuse du secteur des cryptomonnaies. Une démarche pertinente vu l’adoption croissante de ces technologies financières innovantes. Mais qui suscite des interrogations quant à la méthodologie des décideurs politiques belges.
Nouvelle mission pour l’Autorité des services et marchés financiers. La FSMA va devoir fliquer les cryptobourses et autres acteurs monétaires de l’industrie du bitcoin. Le Conseil des ministres a en effet approuvé vendredi un cadre législatif pour le statut et le contrôle des prestataires de services liés aux « actifs virtuels ».
« La volonté de réguler ces acteurs est une bonne chose tant pour les consommateurs de produits financiers que pour la lutte contre le crime organisé. Je rappelle que ces acteurs sont également soumis à la loi préventive anti-blanchiment et que cela passera forcément par plus de transparence et d’obligations de reporting pour elles », explique Miguel Mairlot, avocat expert en la matière et founding partner du cabinet bruxellois Ethikos.
Cette tendance régulatoire n’a rien de neuf. Elle nous vient des États-Unis où des plateformes d’échange de monnaies digitales sont depuis longtemps régulées au même titre que d’autres institutions financières. Plus proche de chez nous, aux Pays-Bas, la banque centrale néerlandaise distribue également des licences cryptos.
Approche équilibrée
« En Europe, je constate que la France a quelques longueurs d’avance sur la Belgique, notamment sur le plan fiscal où les gains issus de cryptos seront bientôt taxés au titre de revenus divers ou professionnels selon les cas », observe l’avocat d’Ethikos.
Mais naturellement, la meilleure manière de répondre à l’essor des cryptomonnaies reste de trouver un équilibre entre cadre réglementaire qui protège suffisamment les consommateurs et environnement où les technologies disposent de l’espace nécessaire pour se développer.
En mandatant la FSMA sans autre précision pour l’heure, le gouvernement belge semble considérer les cryptomonnaies et autres éléments numériques issus de blockchains (tokens, NTF, etc.) grossièrement comme des produits financiers classiques. Le risque étant que la Belgique se dote d’une réglementation stricte ou inappropriée, avec pour effet secondaire d’interférer avec l’entrepreneuriat crypto du pays et d’offrir un avantage à la concurrence étrangère.
Situation désordonnée
Sans compter que la Commission européenne planche sur un marché concurrentiel pour les cryptoactifs assurant un niveau suffisant de protection des investisseurs et de garantir la stabilité financière. Un règlement européen dit MiCa (Markets in Crypto-Assets Regulation) est en plus en préparation afin d’établir un cadre réglementaire global du domaine des cryptomonnaies au niveau européen. Et les discussions se poursuivent toujours sur la façon dont sera organisé le contrôle des cryptobourses.
On peut se demander dès lors s’il n’aurait pas été préférable d’attendre les développements, certes beaucoup plus lents, à l’échelle de l’Union européenne pour profiter d’une approche harmonisée et plus efficace. Ou la Belgique fait-elle bien de suivre une sorte de principe de précaution alors que les fraudes pullulent.
Spécificités
« Il est difficile de coordonner les différentes initiatives législatives qui peuvent être prises en la matière: fiscal, anti-blanchiment, marketing… La volonté politique qui est mise derrière chacune de ces initiatives doit (en principe) dépendre des risques constatés et la vitesse à laquelle ces initiatives se concrétiseront dépendra également du cadre législatif existant », indique Miguel Mairlot.
L’avocat met cependant en exergue que, s’agissant de la lutte anti-blanchiment, la législation européenne est déjà suffisamment harmonisée et adaptable pour que son extension aux cryptomonnaie se fasse sans heurt.
« Au niveau national, cela nécessite certainement des adaptations législatives, avec des arrêtés royaux et/ou ministériels, mais également de former nos régulateurs aux particularités de ces acteurs et de la crypto, ce qui peut prendre un certain temps », ponctue l’associé fondateur du cabinet bruxellois Ethikos.
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