Les Iraniens produisent toujours autant de pétrole, mais peinent à l’écouler. Pour contourner les sanctions économiques américaines, la République islamique profite de la soif inextinguible de la Chine. Et de la détresse des Libanais.
Depuis 2018 et le retrait fracassant de Donald Trump des accords de Vienne sur le nucléaire, l’Iran se trouve dans la position très délicate d’un grand producteur de pétrole qui voit une grande part du marché mondial fermée à ses barils. Une situation qui risque bien de s’éterniser car, malgré la reprise de négociations entre les Américains et les Iraniens dès l’arrivée au pouvoir de Joe Biden, les autorités de la République islamique ont très mal pris de voir leur économie s’effondrer par la décision unilatérale d’un président américain.
La soif des Chinois
Mais en attendant un nouvel accord, Téhéran produit toujours 2,5 millions de barils par jour, sans que les exportations ne reprennent. « Les effets des sanctions américaines ont réduit les exportations de 80 à 95 %, suivant les analystes, souligne dans L’Orient-Le Jour Scott Lucas, professeur émérite de politique internationale à l’Université de Birmingham. « En 2011, l’Iran encaissait plus de 119 milliards de dollars des exportations de pétrole. » Des revenus qui seraient tombés à environ 9 milliards en 2019. Un désastre économique, d’autant que les installations pétrolières sont anciennes, et que fermer les robinets pourrait les endommager.
Il reste toutefois une bouée à l’économie iranienne : la soif croissante de la Chine. L’Empire du Milieu a beau annoncé de grands chantiers de transitions écologiques, il lui faut des quantités croissantes de pétrole selon le professeur Scott Lucas: « En novembre 2020, les estimations allaient de 415 000 barils par jour à 1,2 million de barils pour les exportations de l’Iran vers la Chine et d’autres pays. En mars 2021, des analystes disaient que la Chine importait jusqu’à 900 000 bpj. » La Chine est le principal importateur mondial de pétrole et buvait 16,7% du brut mondial en 2019, tout en n’en extrayant que 4,3% de son propre sol.
D’autres pays achètent encore le pétrole iranien, comme le Venezuela. Mais la République islamiste se doit de trouver d’autres débouchés, alors que tout pays qui accepterait de commercer avec elle s’attirerait aussi des sanctions américaines. Le pays approvisionne donc un marché « gris » des hydrocarbures. Et le chaos syrien lui semble bien utile. Outre le fait que Téhéran vende son brut aux factions qui ont ses faveurs, Il est aisé de faire changer de mains des marchandises dans le pays, pour brûler les pistes.
Le Liban à sec
Les Iraniens ont aussi appris toutes les astuces maritimes afin de faire perdre la trace d’une cargaison de brut, comme le transfert d’un pétrolier à un autre en pleine mer. Des méthodes qui, d’ailleurs, ne profitent pas qu’à l’Iran mais aussi aux pays fournis. Comme le Liban est suspecté de le faire, alors qu’il s’enfonce dans la crise économique, totalement à sec de carburant. Or, ce dimanche, le leader du Hezbollah, Sayyed Hassan Nasrallah a annoncé qu’un premier pétrolier iranien allait ravitailler le pays, et qu’un second appareillerait sous peu. « Notre objectif est de briser le marché noir et les monopoles, et d’alléger les souffrances du peuple », a indiqué M. Nasrallah.
Mais le Liban se retrouve donc pris dans une guerre économique entre Washington et Téhéran. Mais la seule alternative semble d’endurer des blackouts réguliers, alors que le pays ne se remet pas de l’explosion catastrophique qui a frappé sa capitale l’année passée et enclenché une crise économique et politique interminable.
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