Des pays d’Europe centrale et de l’Est veulent sortir du charbon, mais la Russie et les États-Unis interviennent avec des prêts, des subsides pour des formations et des accords pour des constructions de réacteurs.
L’Europe comme terrain de jeu pour les influences de l’Ouest ou de l’Est. L’OTAN contre le Pacte de Varsovie. La doctrine Truman contre la doctrine Jdanov. L’impérialisme capitaliste contre le communisme. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’Europe a ainsi été divisée entre ces deux blocs, pendant ce que l’Histoire appelle la Guerre froide. Depuis la chute de l’Union soviétique, la République fédérale de Russie reste une puissance influente pour ses voisins occidentaux.
Aujourd’hui, les deux puissances jouent encore sur ce terrain, et pour un sujet particulier: le nucléaire. Le nucléaire est un sujet qui suscite de vifs débats au sein de l’Union européenne, mais également au niveau des Etats membres, comme en Belgique, où le gouvernement veut son arrêt en 2025. L’Allemagne est bien avancée dans le programme d’arrêt, la France veut elle le prolonger et construire de nouvelles centrales.
Pour une fois, les États-Unis et la Russie semblent jouer dans la même équipe (presque), et sur le même terrain. Dans l’Europe de l’Est, ils financent des programmes dans le domaine du nucléaire, relève Euractiv. À leur tour, ces pays plaident ensuite pour le nucléaire, au sein de l’UE.
Sortir du charbon
Ces pays, notamment la Roumanie, la Pologne, la Hongrie et la Bulgarie, doivent remplacer leurs centrales à charbon. Le ministre roumain de l’Energie, Virgil Popescu, repris par le média, explique vouloir avoir recours à de l’électricité « provenant de sources renouvelables, nucléaires et de gaz naturel », et à des « technologies les plus adéquates pour garantir la sécurité de l’approvisionnement et l’accès à une énergie abordable », pour recomposer le parc énergétique du pays.
Réduire les émissions de dioxyde de carbone est l’objectif que les États-Unis invoquent pour défendre l’énergie nucléaire. Mais vert est également le dollar : la secrétaire américaine à l’Énergie, Jennifer Granholm, voit un marché de 23.000 milliards d’ici 2030 en Europe de l’Est et centrale.
À côté du dollar, le rouble est aussi sur l’offre. La Hongrie possède une seule centrale nucléaire. Elle a été construite par la société d’Etat Rosatom, à l’époque soviétique. Elle est agrandie, pour un budget de 12,5 milliards d’euros, dont dix milliards issus d’un prêt de la Russie.
En face des prêts de la Russie, les Américains offrent des subsides sans contrepartie (rien n’est vraiment gratuit, peut-on remarquer), dans une sorte de plan Marshall du nucléaire, le Nuclear Futures Package (paquet sur l’avenir du nucléaire). Deux millions pour la Roumanie, et dix pour la Pologne.
La somme est moins élevée que celle de la Russie, mais ne sert pas le même intérêt. En Roumanie, un centre de formation pour les petits réacteurs (SMR) sera construit. En Pologne, l’argent servira à faire « des travaux de première phase pour le déploiement de six réacteurs », explique un porte-parole du département américain à Euractiv, qui refuse cependant d’indiquer d’autres pays qui en bénéficieraient.
Concret
Un investissement (futur) qui semble déjà porter ses fruits. Le gérant roumain du nucléaire a signé un accord de protocole avec l’Américain Fluor le premier novembre, pour déployer des SMR. En 2020 déjà l’Etat roumain avait également signé un accord avec les Etats-Unis, pour construire deux nouveaux réacteurs. Note de l’accord : 8 milliards de dollars. La Roumanie ne compte qu’une seule centrale nucléaire, ses deux réacteurs de 700MW fournissent un cinquième de l’électricité consommée dans le pays.
Le débat du nucléaire semble parti pour durer des années encore, dans les instances européennes. À voir comment les deux puissances nucléaires vont continuer à s’immiscer dans les programmes nationaux et dans l’agenda européen, et comment la Commission va se positionner face à ce jeu d’influences.