La légalisation du cannabis devait offrir une grande bouffée d’air à l’économie canadienne. Les agriculteurs sont nombreux à avoir fait le pari du tourisme agricole et des réseaux courts, y compris transfrontaliers. Mais les obstacles administratifs sont nombreux.
En 2018, le Canada a fait figure de pays pionnier en légalisant totalement le cannabis à usage récréatif, et nombreux sont ceux qui, le sourire aux lèvres, – et parfois les yeux rouges – ont vu la feuille de chanvre remplacer celle de l’érable sur le drapeau de la nation américaine.
Trois niveaux juridiques compétents
Économiquement aussi, l’or vert canadien faisait rêver, et nombreux sont ceux qui imaginaient de grandes coopératives agricoles consacrées au chanvre indien et à ses produits dérivés, qui inciteraient les consommateurs de passage à essayer leurs différents crus, exactement comme le font les viticulteurs du Vieux Continent. Un futur agricole radieux qui séduisait particulièrement en Ontario, province ensoleillée du sud du pays qui borde les Grands Lacs américains, et qui espérait attirer massivement les touristes états-uniens. Un rêve qui, pour beaucoup, n’était en fait qu’un écran de fumée.
Les fermes consacrées à ce nouveau terroir cannabique se heurtent au système juridique canadien à trois niveaux : municipal, fédéral et provincial. Or, chacun est peu ou prou compétent en la matière, ce qui complique fortement la vie des exploitants. Bloomberg prend l’exemple d’un agriculteur des berges du lac Érié qui voudrait vendre sur place ses produits à base de cannabis, voire organiser des dégustations. Celui-ci devrait s’assurer que sa boutique n’ait pas de fenêtres, ou alors sans tain, pour que les mineurs ne puissent avoir une vue directe sur le business. Des visites dans les champs de chanvre seraient très difficiles à organiser, car elles sont perçues comme un risque de contaminer les cultures d’un produit destiné à la consommation humaine. Quant à la consommation sur les lieux de production, elle est interdite – y compris pour les agriculteurs qui ne peuvent pas essayer leurs propres produits dans leur propre exploitation.
Le blues du vert
Ces restrictions ne sont pas toutes absolues : elles peuvent être contournées avec les bonnes autorisations. Mais la possibilité de cultiver du cannabis ne signifie pas permission automatique de fournir les boutiques locales, d’autant que de nombreux agriculteurs se sont rués sur l’or vert, créant de facto une immense surproduction. Quant à ouvrir un magasin sur les lieux de productions, cela demande encore toute une série d’autorisations et d’investissements, que peu de cultivateurs peuvent se permettre, sans certitude de rentabilité. Et ça, c’est pour l’Ontario. Dans la province voisine du Nouveau-Brunswick, la volonté de créer ces fermes-boutiques existe, mais ne s’est pas encore traduite en texte de loi.
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