Comment l’augmentation des températures va rendre de plus en plus difficile de faire décoller un avion

Il nous faut de plus en plus nous préparer aux conséquences du réchauffement climatique. Or, ironiquement, celui-ci pourrait rendre plus compliqué l’un de nos comportements les plus polluants : faire voler des milliers d’avions au quotidien.

Pourquoi est-ce important ?

l'augmentation des températures moyennes sur notre planète aura de nombreuses conséquences, certaines encore inconnues, mais toutes désastreuses. L'une des plus inattendues est que, pour des raisons de physique élémentaire, il est bien plus difficile de faire décoller un engin plus lourd que l'air quand celui-ci se réchauffe.

« Le défi fondamental auquel est confronté tout avion au moment du décollage est que les avions sont tout simplement très lourds, et que la gravité veut les maintenir au sol. Pour vaincre la gravité, ils doivent générer de la portance, c’est-à-dire que l’atmosphère pousse l’avion vers le haut. La portance dépend de plusieurs facteurs, mais l’un des plus importants est la température de l’air. Lorsque l’air se réchauffe, il se dilate, ce qui réduit le nombre de molécules disponibles pour pousser l’avion vers le haut. »

Paul Williams, professeur de sciences atmosphériques à l’université de Reading au Royaume-Uni, pour CNN.
  • En résumé, plus la température est élevée, moins l’avion trouve sous ses ailes de quoi le soutenir pour gagner en altitude. Et ce manque de portance est quantifiable : la portance des avions diminue de 1% pour chaque augmentation de température de 3 degrés Celsius.
  • Des différences de température qui n’ont rien de faramineux donc, alors que les extrêmes climatiques, et en particulier les pics de chaleur, se multiplient ces dernières années, battant à chaque fois de nouveaux records. Selon Paul Williams, cité par CNN, à 20°C un avion a besoin d’un peu moins de 2.000 m de piste pour gagner assez de vitesse et de portance pour décoller, mais à 40°C, il lui faudra 2.500 m. Une différence qui n’a rien d’anecdotique.
  • Le problème est d’autant plus inquiétant pour les aéroports situés à haute altitude, où l’air est déjà naturellement plus mince. Les pistes y sont aussi plus courtes pour des raisons topologiques, ce qui laisse à l’avion moins de place pour accélérer.
  • Le chercheur britannique et son équipe ont étudié la situation des aéroports grecs depuis les années 1970. Ceux-ci disposent de pistes plutôt courtes à cause du relief tourmenté du pays, et peuvent traverser de grandes variations de température. Or, le réchauffement de la planète provoque aussi une diminution du rythme des vents dominants dans certaines régions.
  • « Nous avons également constaté une diminution du vent de face le long de la piste, de 2,3 nœuds par décennie », a déclaré Williams. « Le vent de face est bénéfique pour les décollages, et certains éléments indiquent que le changement climatique provoque ce que l’on appelle le ‘global stilling’, ce qui explique pourquoi les vents semblent ralentir. »

Un passager en moins par an

  • Les scientifiques ont calculé ce que ces changements dans les moyennes de température et le rythme des vents représentait exactement pour le trafic aérien. Ils se traduisent par une diminution bien tangible de la masse maximale au décollage, soit ce que peut emporter un avion sans courir de risques excessifs.

« Nous avons constaté que la masse maximale au décollage a été réduite de 127 kilogrammes chaque année, ce qui équivaut à peu près au poids d’un passager et de sa valise, soit un passager de moins par an »

Paul Williams
  • Depuis l’introduction de l’appareil en 1988 jusqu’en 2017, le poids maximal au décollage d’un avion A320 aurait ainsi été réduit de plus de 2.000 kg à l’aéroport national de l’île de Chios, le principal aéroport de l’étude, dont la piste mesure un peu moins de 1.500 mètres. Durant certains épisodes de fortes chaleurs, il est arrivé que de grands aéroports internationaux abaissent le poids maximal autorisé au décollage, comme à Londres en 2018, ce qui a laissé de nombreux voyageurs sur le carreau.

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