Comment la gestion de l’eau douce réconcilie la Jordanie et Israël

Alors que les relations se normalisent entre l’État hébreu et certains pays arabes, une gestion partagée des ressources stratégiques commence à se développer. Israël fournit son voisin jordanien en eau potable, tandis que celui-ci développe le secteur de l’énergie solaire.

Il y a quelques dizaines d’années, alors que le grand public commençait à véritablement prendre conscience des enjeux climatiques, l’une des grandes craintes que l’on voyait se dessiner pour l’avenir était les guerres de l’eau. Influencés peut-être par les films de science-fiction de l’époque tels que Mad Max, le futur semblait sec pendant que l’humanité de déchirerait pour quelques sources et quelques terres arables. L’or bleu constitue une précieuse ressource stratégique, c’est vrai. Mais elle peut aussi rassembler l’humanité plutôt que de la diviser, et c’est ce qui est en train de se passer au Proche-Orient, en particulier entre la Jordanie et Israël.

La Guerre de l’Eau n’aura pas lieu

La Jordanie est un des pays les plus secs au monde : avec 97 mètres cubes d’eau par personne et par an, il est considéré comme confronté à la «rareté de l’eau absolue» selon la classification Falkenmark. Et cela conditionne fortement ses relations avec l’État hébreu ; outre qu’Israël bénéficie d’une pluviométrie relativement importante pour la région le long de ses côtes, le pays dispose aussi d’une maîtrise de longue date des technologies de l’eau. Le quotidien libanais L’Orient- Le Jour la fait d’ailleurs remonter à l’année 1921, quand Pinhas Rutenberg, un ingénieur juif venu de Russie s’installe dans la région pour bâtir une centrale hydroélectrique au confluent du Yarmouk et du Jourdain, avec le soutien des autorités britanniques (qui tenaient la Palestine sous mandat) et de la monarchie jordanienne.

Place à la collaboration

Une collaboration dans la gestion des ressources aquifères qui ne s’est jamais interrompue, même après la création d’Israël en 1948, et l’état de guerre qui s’est prolongé entre les deux pays jusqu’en 1994. Et qui se renforce, au fur et à mesure que des pays du Maghreb et du Proche-Orient normalisent leurs relations avec Tel-Aviv. L’arrivée au pouvoir d’un gouvernement opposé à la politique très dure de Binyamin Netanyahu, qui a passé 12 ans à la tête du pays, permettant d’ailleurs de relancer les discussions.

D’autant que le progrès technique est passé par là : alors qu’Israël était déjà à la pointe des techniques de désalinisation afin de rendre exploitable l’eau de mer, le pays peut maintenant exporter tout en garantissant sa demande intérieure. Un accord a été conclu début juillet sur la vente de 50 millions de m3 d’eau par an par Israël au royaume hachémite, en plus des 55 millions de m3 déjà fournis chaque année gratuitement à la Jordanie.

Or bleu contre énergie verte

En échange, Israël espère s’approvisionner en énergie verte auprès du royaume, qui dispose de bien plus de place pour installer des unités de production et de stockage d’énergie solaire. Les deux pays espèrent ainsi, par échange de ressources et transferts de technologies, remplir leurs objectifs respectifs de développement durable et de transition énergétique. Israël s’est d’ailleurs fixé pour but d’utiliser 85% d’énergie issue des secteurs renouvelables avant l’année 2050. Et d’autres pays, tels que les Émirats arabes unis, aimeraient aussi mettre de côté les rivalités politiques et religieuses pour développer ce genre d’échange de bons procédés.

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