Coalition fédérale: l’arc-en-ciel pourra-t-il récupérer le CD&V ?

La rue de la Loi vient de connaître 48 heures pour le moins agitées. Mais la réunion ‘secrète’ de ce samedi a été un événement quelque peu surestimé: il ne s’agissait pas du coup d’envoi de l’arc-en-ciel. D’ailleurs, Paul Magnette ne désespère pas de convaincre le CD&V, mais sans doute un peu plus tard. Il veut d’abord former un tronc solide avec les libéraux.

C’est ce qu’on appelle un point chaud, voire un moment clé. Pour l’une des premières fois en six mois depuis les élections, on sent que cela bouge au niveau des négociations fédérales. La réunion peu secrète de ce samedi entre 6 partis – PS/sp.a-MR/Open VLD-Ecolo/Groen – a fait bouger les lignes, contre la volonté des négociateurs.

Car le but, au départ, était de garder cette réunion secrète. Il ne s’agissait pas d’une réunion de préformation. La réunion n’a d’ailleurs abouti sur aucun accord ou conclusion. ‘Certains étaient plutôt désireux, d’autres plus méfiants. Certains ont parlé d’une dream team (en vue de former l’arc-en-ciel), mais d’autres ne l’ont pas vu comme ça’, nous glisse un négociateur. La fuite dans la presse ‘prouve d’ailleurs que certains participants étaient un peu nerveux sur ce qui se passait là-bas. C’était très visible’, poursuit notre interlocuteur.

L’image d’une équipe soudée autour de l’arc-en-ciel est donc bien éloignée de la vérité. Mais une question reste en suspend: pourquoi avoir mis le CD&V de côté? D’abord, les négociateurs ne s’attendaient pas à une telle sortie de leur chef de file, Koen Geens (CD&V). Sur Radio1, le ministre de la Justice a employé des mots cinglants, qualifiant la réunion secrète de ‘coup dans le dos’ et invitant Bart De Wever à prendre la main. Revoilà le cartel CD&V/N-VA à ses plus belles heures?

Laisser le CD&V de côté? ‘Une erreur stratégique’

N’empêche, avoir laissé les démocrates-chrétiens de côté reste toutefois une décision étrange. Certains négociateurs autour de la table ce samedi parlent clairement ‘d’erreur stratégique’. Qu’espérait donc Paul Magnette ? Sans le CD&V, l’arc-en-ciel ne disposerait que d’une majorité de 76 sièges sur 150. On peut certes y ajouter le cdH (que Magnette a également rencontré ce week-end), mais le poids des partis flamands se situerait toujours autour des 30%.

Le but de Paul Magnette était en fait d’inclure les démocrates-chrétiens flamands dans un second temps. Cela reste un énorme pari de la part du bourgmestre de Charleroi, mais il se dit que le ‘CD&V est comme le CVP, à un moment donné, ils viendront d’eux-mêmes du côté du pouvoir, ils veulent toujours participer quand c’est possible’, nous glisse une source bien informée. Le but de Paul Magnette était de construire d’abord un tronc solide – ‘une coalition de volontaires’ – autour duquel viendraient se greffer le CD&V et le cdH par la suite.

D’autres parlent d’une rivalité pour le poste de Premier ministre entre le même Geens et Gwendolyn Rutten, présidente de l’Open VLD. ‘Elle veut clairement écarter un possible rival pour le 16, non?’, nous interpelle un négociateur.

Le règne de la division

Mais le CD&V sait-il lui-même ce qu’il veut faire? Non, il nous revient que le parti démocrate-chrétien est plus divisé que jamais. ‘Il n’ a plus de leadership, on ne sait plus à qui s’adresser’.

Mais les derniers arrivés sont souvent les mieux servis au sein d’une coalition, car plus indispensables. Au sein du CD&V, on pense qu’il est encore trop tôt pour un arc-en-ciel. Il faut d’abord laisser la N-VA prendre la main et échouer, estiment-ils. Intégrer une coalition arc-en-ciel n’est donc pas exclu, d’autant que le syndicat chrétien ACV pousse également pour cette coalition colorée.

Paul Magnette doit toutefois convaincre en premier lieu l’Open VLD, ce qui n’est pas gagné. La division règne toujours chez les libéraux flamands entre la ligne De Croo et la ligne Rutten. Mais les libéraux veulent faire monter le prix et influencer le plus possible la note de départ d’une future coalition. La question est de savoir s’ils en ont les moyens.

À ce petit jeu d’influence, les libéraux flamands pourront compter sur les libéraux francophones, étonnés que l’Open VLD vende sa peau si vite. Il nous revient d’ailleurs que le négociateur le plus sceptique lors de la réunion de ce samedi n’était autre que Georges-Louis Bouchez, tout frais président du MR. L’aversion du libéral vis-à-vis d’Ecolo reste grande. Sa préférence est toujours d’intégrer la N-VA aux discussions, au moins pour pouvoir peser sur le PS.

Et maintenant? Il est clair que la fuite qui a mis à nu la réunion secrète de samedi a fait beaucoup de dégâts. L’Open VLD est sur la défensive, la N-VA, même si divisée, a désormais un boulevard pour dire tout le mal qu’elle pense de l’arc-en-ciel et le CD&V ne bougera qu’au dernier moment. Un sacré puzzle, mais pas insoluble. Tout dépendra de ce que Paul Magnette voudra bien lâcher au niveau socio-économique.

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