Depuis lundi, la Belgique a officiellement le statut « d’observateur » dans le programme FCAS, le développement de nouveaux systèmes de combat aériens par la France, l’Allemagne et l’Espagne. Une note au gouvernement devrait préciser les raisons du choix de ce projet, mais les hauts gradés de l’armée ne sont pas vraiment convaincus.
Le chef de l’armée émet d’importantes réserves quant au choix de la Belgique pour le projet FCAS
Pourquoi est-ce important ?
Lors de l'achat du F-35, le gouvernement belge n'a pas exigé de contrepartie économique. Cela a rapidement été considéré comme une erreur qui ne devait pas se reproduire. Maintenant que plusieurs pays européens (et les États-Unis) travaillent sur le développement de nouveaux avions de combat, la Belgique essaierait de participer pour permettre à l'industrie de la défense de bénéficier de cette opportunité.Tout d’abord, un bref aperçu de la situation globale : en Europe, deux nouveaux projets sont en cours. La Belgique a choisi de se joindre au FCAS (Future Combat Air System).
- Le FCAS, abréviation de Future Combat Air System, est ce qu’on appelle un système de systèmes : il devrait, d’ici à 2050, être composé d’un tout nouvel avion de combat, complété par des drones sans pilote, des satellites et des systèmes de communication. La France, l’Allemagne et l’Espagne sont les chefs de file du projet. Le Royaume-Uni, en collaboration avec l’Italie et l’Espagne, travaille sur un projet similaire appelé GCAP, ou Global Combat Air Programme. Les États-Unis travaillent également sur un nouvel avion de combat de sixième génération, le Next Generation Air Dominance ou NGAD.
- La Belgique cherchait donc à se joindre à l’un de ces projets, mais il est vite devenu évident qu’il y avait une forte pression de la part du cabinet de la ministre de la Défense, Ludivine Dedonder (PS), pour rejoindre le FCAS. Un groupe de travail de l’Institut royal supérieur de défense (IRSD) a été chargé d’examiner quel projet offrait le plus d’opportunités pour notre industrie de la défense. À la fin du processus, qui était d’ailleurs très opaque et au cours duquel le parlement a été peu informé, le FCAS a été désigné comme le « gagnant ».
- Lundi, lors du salon aéronautique de l’aéroport du Bourget, à Paris, Ludivine Dedonder devait donc annoncer que la Belgique devenait observatrice au FCAS. Mais elle a été rattrapée par le président français Emmanuel Macron, qui s’est chargé d’annoncer la nouvelle. L’annonce a été rapidement suivie d’une déclaration d’Eric Trappier, le CEO de la société française Dassault, qui est le principal développeur du nouvel avion de combat : « Je me réjouis de la participation de la Belgique en tant qu’observateur. Cela leur donnera peut-être l’idée d’acheter un jour des avions non américains », a-t-il répondu avec sarcasle, sachant que la Belgique a choisi le F-35 plutôt que « son » Dassault Rafale.
À noter : Une note de Dedonder au conseil des ministres a fuité dans De Morgen. Les arguments de la ministre, qui explique pourquoi le FCAS est plus avantageux pour la Belgique que le GCAP, sont un peu faibles.
- En termes diplomatiques, le FCAS a un avantage, a-t-elle déclaré, car il s’agit d’un projet entièrement européen. Dans le GCAP, le Japon a également des intérêts. Le document montre que c’est préjudiciable pour le projet, alors qu’une coopération avec le Japon pourrait simplement ouvrir les portes à des ventes mondiales des systèmes d’armes finaux du programme. Mais le projet FCAS a également un caractère mondial ; des avions franco-germano-espagnols tels que le Dassault Rafale ou l’Eurofighter Typhoon sont déjà vendus à l’échelle internationale, bien au-delà des frontières de l’Europe.
- En outre, selon Ludivine Dedonder, la double attitude du Royaume-Uni à l’égard de l’Arabie saoudite ne favorise pas le projet britannique. On craint que les Saoudiens ne se joignent tôt ou tard au programme, une crainte réitérée par Steven Lauwereys devant la commission parlementaire de la défense mercredi. Il est responsable de l’élaboration et de la mise en œuvre de DIRS, la stratégie d’investissement de la défense dans la recherche et le développement. Mais M. Lauwereys a également indiqué que le Royaume-Uni avait démenti ces rumeurs.
- Ensuite, il y a l’ampleur des deux projets : La France évalue le FCAS à un coût de développement total de 100 milliards d’euros. Pour le GCAP, le chiffre est beaucoup plus bas, à 58 milliards. Mais le groupe de réflexion britannique Royal United Services Institute (RUSI) a déjà affirmé que les Britanniques avaient largement sous-estimé le projet.
- De plus, Dedonder mentionne que la Belgique entretient de meilleures relations commerciales avec la France, l’Allemagne et l’Espagne qu’avec le Royaume-Uni, l’Italie et le Japon. Pour séduire les écologistes, elle souligne également dans la note que « l’Allemagne et Airbus accordent une grande attention à l’application éthique des nouvelles technologies ». Les partis Groen et Ecolo sont ceux qui s’opposent le plus fermement à l’armement des drones militaires, précisément en raison de ces considérations éthiques.
L’essentiel : La hiérarchie militaire soulève de sérieuses interrogations concernant la note, mais elle n’a été que peu entendue ces derniers mois.
- De Morgen a publié les réactions de hauts gradés de l’armée à l’article de Dedonder. « Faiblement étayé », « très mince », « trompeur » et « nul » sont quelques-uns des mots utilisés. Ces critiques citent, par exemple, le fait que le Royaume-Uni a déjà indiqué à plusieurs reprises qu’il ne s’engagerait pas avec les Saoudiens, et que l’application éthique n’est rien d’autre que du marketing pur et simple.
- La présence du Japon est d’ailleurs plutôt perçue comme un avantage par les chefs de la défense : en entraînant le Japon dans le bain, on ouvre la porte au marché asiatique des ventes. Le marché européen est déjà bien saturé : les FCAS et les GCAP devraient voler d’ici 2040. Or pratiquement tous les pays européens ont commandé des F-35 ces dernières années, qui perdureront bien plus longtemps que 2040.
- Et les militaires ont également un avis sur les bases économiques des deux projets. Oui, celle du GCAP est fragile, mais il n’est pas du tout certain que les promesses soient tenues. Les Allemands ont signé l’année dernière un contrat pour l’achat de 35 F-35, ce qui réduit automatiquement son engagement envers le FCAS.
- Si les chefs d’armée avaient été consultés avant de rédiger la note, celle-ci aurait sans doute été différente. Cependant, Ludivine Dedonder a décidé de s’appuyer presque exclusivement sur des informations provenant de ses cabinets et du groupe de travail NGCAT de l’IRSD. Un institut qui est directement dirigé par le ministère.
(SR)