Uber a été débouté sur toute la ligne. La Cour de cassation française a estimé mercredi qu’un chauffeur Uber devait être considéré comme un salarié et non comme un indépendant. La Cour parle ‘d’un lien de subordination’ entre le chauffeur et Uber, ce qui met en place de facto un ‘contrat de travail’. Quelles conséquences ?
On le sait, le modèle économique d’Uber ne plait pas beaucoup. Profiter d’une main-d’oeuvre bon marché grâce à un statut d’indépendant provoque la colère des chauffeurs de taxi. Payer peu de taxes provoque le courroux de nombreux États.
En France, les premiers cités entrevoient la lumière. La Cour de cassation est formelle suite à un recours d’un chauffeur du géant des VTC. La plus haute juridiction du pays estime qu’il doit être requalifié en salarié, confirmant le jugement rendu le 10 janvier dernier par la Cour d’appel de Paris.
Les explications
Par communiqué, la Cour précise: ‘Le chauffeur qui a recours à l’application Uber ne se constitue pas sa propre clientèle, ne fixe pas librement ses tarifs et ne détermine pas les conditions d’exécution de sa prestation de transport. L’itinéraire lui est imposé par la société et, s’il ne le suit pas, des corrections tarifaires sont appliquées. La destination n’est pas connue du chauffeur, révélant ainsi qu’il ne peut choisir librement la course qui lui convient.’
De plus, après trois refus de course, le chauffeur en question peut se voir déconnecter du système par l’entreprise. Tout cela mène à penser que le chauffeur Uber est soumis à ‘un lien de subordination’ et qu’il doit donc être lié par un contrat de travail et finalement entrer dans le statut du salariat.
Les conséquences
Uber peut maintenant faire face à de nombreux recours. Inutile de préciser que requalifier tous les indépendants en salariés aura un énorme coût et donc remet en cause le modèle économique de la société américaine.
Mais encore faut-il que les chauffeurs Uber désirent ce statut? Il arrange bien certains d’entre eux qui exercent par exemple plusieurs activités. C’est en tout cas l’avis du directeur général d’Uber France qui l’explique à 20 Minutes: ‘Nous regrettons cette décision. Elle ne reflète pas du tout la raison pour laquelle les chauffeurs choisissent d’utiliser Uber, à savoir la flexibilité et l’indépendance. Cette décision correspond à un cas particulier d’un chauffeur qui roulait sur la plateforme en 2016. La vaste majorité des chauffeurs n’ont pas l’intention de devenir des salariés.’
Cela se vérifiera dans le temps avec la multiplication ou non des recours. La France compte pour le moment 28.000 chauffeurs Uber. Ce sera du cas par cas. Impensable qu’Uber change le statut des indépendants de sa propre initiative. Mais le syndicat des chauffeurs VTC pourra forcément utiliser cet arrêt de la Cour pour peser dans les futures négociations.
Tache d’huile ?
La grande question est maintenant de savoir si cette décision fera tache d’huile dans d’autres pays. On sait déjà qu’en Californie, une décision de justice donne plus de pouvoir aux chauffeurs, qui peuvent négocier les prix ou même refuser des courses. À Londres, Uber s’est carrément vu retirer sa licence d’exploitation fin novembre 2019. L’entreprise a fait appel, ce qui lui permet de toujours opérer. Mais les pertes se comptent en milliards pour Uber en 2019.
A Bruxelles, Barcelone, les grèves de taxis ne sont pas rares et bloquent complètement la circulation, les chauffeurs ont un grand pouvoir de nuisance. Pour sûr, les syndicats de taxis ne manqueront pas de relever cette décision de justice.