Malgré l’invasion de l’Ukraine, et contre toutes les attentes des états-majors, la guerre de l’espace n’a pas eu lieu. Ou du moins l’hostilité générale n’a pas provoqué de véritable surenchère en orbite : pas de scission au sein de la Station spatiale internationale, ni de tir de missiles antisatellites ou de génération volontaire de dangereux champs de débris. Ce qui ne veut pas dire que les hautes altitudes n’ont pas été affectées par la guerre au sol : alors que l’observation satellite joue un rôle majeur pour guetter les mouvements des troupes russes, le Kremlin semble bel et bien faire usage d’une arme nouvelle capable de brouiller leurs signaux.
Un représentant de Space Force, le département de l’armée américaine chargé de tout ce qui a trait à l’espace, a confirmé sur le plateau de NBC que les Russes utilisaient bien un système de brouillage pour cibler les satellites nécessaires aux systèmes de localisation GPS. Cette arme serait utilisée depuis le sol et, jusqu’à présent, elle ne semble pas avoir ciblé de fusées ou de lanceurs. Seulement des engins placés en orbite.
Une arme déjà déployée contre l’OTAN
Ce système d’arme inédit a toutefois pu être observé sur des images prises par satellites : il est visiblement mobile, mais très volumineux, ce qui a permis d’identifier les grands camions qui servent à le transporter. « Nous les avons vus être utilisés quand les États-Unis et leurs alliés de l’OTAN effectuent des exercices militaires dans le nord de la Norvège a confirmé à Space.com Kaitlyn Johnson, directrice adjointe et chargée du projet de sécurité aérospatiale au Centre d’études stratégiques et internationales (CSIS). « La Russie utilise ce brouillage pour interférer avec nos exercices militaires, car la partie nord de la Russie se trouve juste à côté. » Le centre d’étude ajoute que cet équipement est de « qualité militaire », ce qui signifie que la Russie a passé des années à développer le système par elle-même et ne l’a pas acheté à un autre pays ou à une entreprise civile.
Les experts ne sont donc pas surpris de revoir ces camions militaires spéciaux alors que la guerre fait rage en Ukraine depuis 50 jours maintenant. Selon le dernier rapport du CSIS, les opérations de brouillage se sont multipliées en amont de l’invasion du 24 février, mais celle-ci étaient déjà fréquentes depuis 2014 et l’annexion de la péninsule de Crimée par la Russie.
Bruit radioélectrique et mise à jour de Starlink
Les brouilleurs fonctionnent généralement à l’aide d’antennes paraboliques massives qui émettent des « bruits » radioélectriques bloquant des signaux particuliers, comme ceux émis par les satellites de géolocalisation, dont beaucoup sont, fort logiquement, pointés vers l’Ukraine et les pays environnants depuis les prémisses de l’invasion. Mais ces systèmes d’armes électroniques ne sont pas infaillibles : selon Mme Johnson, ils ne peuvent être déployés partout et sont très sensibles à la géographie environnante. « Si vous vous trouvez dans une région très montagneuse, votre radiofréquence ne portera pas aussi loin, car elle ne peut pas traverser la roche », a-t-elle expliqué. « Mais si vous vous trouvez dans un endroit super plat, le brouillage serait vraiment efficace et aurait une portée très large. »
Selon Elon Musk, la Russie a également tenté de brouiller les signaux à large bande transmis à l’Ukraine par les satellites Starlink de SpaceX, alors que des milliers de terminaux ont été fournis à l’Ukraine en février afin de garantir au pays l’accès au web mondial. Musk a précisé que SpaceX s’adaptait à cette situation : « Certains terminaux Starlink situés près de zones de conflit ont été bloqués pendant plusieurs heures d’affilée. Notre dernière mise à jour logicielle permet de contourner ce brouillage. »