Ce que la politique de la Banque centrale russe nous laisse dire sur sa vision à long terme de l’économie du pays : isolationnisme et autarcie

La Banque de Russie annonce ce vendredi laisser le taux d’intérêt à 20%. Dans un communiqué, elle explique l’état de l’économie et ses choix pour faire face à récentes pressions, mais elle laisse aussi entrevoir sa vision du futur : « elle considère que les sanctions et l’évolution du gouvernement russe vers l’autarcie et l’isolationnisme sont une réalité à long terme », explique un économiste.

Après une première hausse juste après l’invasion russe en Ukraine, passant de 9,5 à 20%, le taux d’intérêt a été laissé à ce niveau par la Banque centrale russe, ce vendredi. L’augmentation a aidé à « maintenir la stabilité financière », explique-t-elle dans un communiqué.

Dès le début de l’invasion, les sanctions économiques ont commencé à tomber sur la Russie. Le rouble a rapidement perdu en valeur, passant d’environ 70 roubles pour un dollar à quasiment 140 en peu de temps. Depuis, il redescend, et se tient à 105 roubles pour un dollar.

Au début du conflit, les Russes se sont rués sur les banques pour retirer leur épargne, mais la Banque s’est défendue contre la sortie massive de cash en fixant un taux d’épargne élevé ; ce qui aurait permis de stabiliser la demande en cash, analyse la banque.

Une arme importante de la Banque centrale russe, ses fonds importants en monnaies étrangères, n’a cependant pas pu lui servir. Ces fonds étaient destinés à garantir la valeur du rouble, mais ils sont sous embargo et ne peuvent être acceptés par les pays de l’UE et les autres alliés des USA (mais les dollars américains que détient la Russie ont bien été acceptés jeudi pour le paiement d’intérêts sur une dette).

Inflation

Avant le début de l’invasion, la Russie faisait déjà face à l’inflation. Les sanctions ne vont que l’aggraver, et la Banque en est consciente : d’où le taux d’intérêt élevé (une mesure économique qui peut généralement faire baisser la pression inflationniste). « L’économie russe entre dans une phase de transformation structurelle à grande échelle, qui s’accompagnera d’une période temporaire, mais inévitable d’augmentation de l’inflation, principalement liée aux ajustements des prix relatifs d’un large éventail de biens et de services », indique l’institution dans un communiqué.

« La politique monétaire de la Banque de Russie est définie pour permettre une adaptation progressive de l’économie aux nouvelles conditions et un retour de l’inflation annuelle à 4% en 2024 », continue-t-elle. Les 4% d’inflation sont l’équivalent russe des 2% que la BCE et la Fed trouvent opportuns pour l’économie occidentale.

« Évolution du gouvernement russe vers l’autarcie et l’isolationnisme »

Ce qui est intéressant dans le communiqué, c’est également le discours utilisé. « Transformation structurelle à grande échelle », « adaptation de l’économie aux nouvelles conditions » : des expressions de ce registre reviennent à plusieurs reprises. William Jackson, économiste spécialisé en marché émergents auprès de Capital Economics, explique à CNBC que cette répétition veut dire que « la Banque centrale de Russie considère que les sanctions et l’évolution du gouvernement russe vers l’autarcie et l’isolationnisme sont une réalité à long terme ».

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