Cela serait exagéré de prétendre que tout le monde, sur cette Terre, boit du café, mais notre consommation de grains noircis et torréfiés reste tout de même hallucinante : en 2017, elle avait progressé jusqu’à représenter 157,7 millions de sacs de 60 kg, soit l’équivalent de 9,46 millions de tonnes de café. Autrement dit, on consomme 300 kg de café chaque seconde dans le monde. Et cela représente un faramineux coût environnemental.
Au cours des 30 dernières années, la demande croissante de café a entraîné une augmentation de 60 % de la production, selon l’Organisation internationale du café. Et c’est une très mauvaise nouvelle pour l’environnement, car cela signifie que la culture du caféier empiète d’autant plus sur les autres cultures. Et, surtout, sur les espaces naturels, motivant la déforestation : celle-ci bat des records au Brésil, principal producteur mondial de café, avec 13 235 km2 d’espaces vierges rasés entre août 2020 et juillet 2021, soit 22% de plus que l’année précédente, déjà catastrophique pour les forêts d’Amérique du Sud.
140 litres d’eau par tasse
De plus, c’est une culture très énergivore, rappelle pour CNBC Bambi Semroc, de Conservation International: « La plupart des cafés passent par un processus de broyage par voie humide qui utilise d’importantes quantités d’eau douce pour dépulper et laver le café. Ensuite, le café est séché, torréfié, expédié et infusé, chacune de ces étapes consommant de l’énergie. » Selon Water Footprint Network, il faut utiliser 140 litres d’eau potable pour obtenir au final 125 ml de café – de quoi remplir seulement une tasse, ou la moitié de votre premier mug matinal.
En Finlande – dont les habitants consomment chacun une moyenne de 7,8 kg de café par an – une équipe de scientifiques du VTT Technical Research Centre se penche sur une solution : une alternative créée en laboratoire. Et ils ont réussi à mettre en place une forme « d’agriculture cellulaire ». L’équipe a mis en culture des cellules de café, avant de les transférer dans des bioréacteurs pour commencer à produire de la biomasse. Après analyse de cette biomasse, un processus de torréfaction a été mis au point et le nouveau café a finalement été évalué par le panel sensoriel formé par le VTT.
Torréfaction à la finlandaise
L’ensemble de la procédure a nécessité l’intervention de plusieurs disciplines et experts dans les domaines de la biotechnologie végétale, de la chimie et des sciences alimentaires, mais, selon le Dr. Heiko Rischer, le responsable de l’équipe, le résultat valait bien tant d’efforts: « En termes d’odeur et de goût, notre panel sensoriel qualifié et l’examen analytique ont trouvé que le profil de l’infusion était similaire à celui du café ordinaire. […] L’expérience de boire la toute première tasse a été passionnante. J’estime que nous ne sommes plus qu’à quatre ans de la montée en puissance de la production et de l’obtention des autorisations réglementaires. La culture de cellules végétales requiert une expertise spécifique lorsqu’il s’agit de mettre le processus à l’échelle et de l’optimiser. Le traitement en aval et la formulation du produit, ainsi que l’approbation réglementaire et la mise sur le marché sont des étapes supplémentaires sur la voie d’un produit commercial. Cela dit, nous avons maintenant prouvé que le café cultivé en laboratoire peut devenir une réalité. »
Eh d’autres termes, on peut littéralement produire du café dans des éprouvettes. Et donc, s’affranchir à la fois des besoins en eau et du climat nécessaire à la croissance de cette plante tropicale, car on n’est pas près de voir des caféiers s’épanouir en Finlande. Ce café cellulaire permet aussi d’éliminer l’immense coût économique et écologique de la conservation et de l’acheminement du véritable café depuis les pays producteurs du sud vers les pays qui consomment la majorité de la production, à savoir ceux de l’hémisphère nord. Ce qui veut dire aussi s’affranchir des variations de prix causées par les aléas de la production et du transport.
Du café vraiment local
Un miracle qui nous permettra de continuer à chercher des solutions aux défis climatiques à venir avec une bonne tasse de café noir, et ce, sans se sentir coupable d’hypocrisie.
« Nous ne sommes pas un producteur de café, mais nous souhaitons collaborer et travailler avec des parties qui ont l’expertise et la vision nécessaires pour mettre un tel produit sur le marché », a déclaré Heiko Rischer « Cela nécessite également un investissement important, car l’ensemble du processus d’approbation ne demande pas seulement du temps, mais c’est bien sûr aussi un exercice coûteux. »
Pas encore de commercialisation de masse de café finlandais donc, d’autant qu’un tel produit de synthèse devra passer de nombreux tests et surpasser de nombreuses suspicions avant d’être autorisé. Mais les chercheurs estiment que, d’ici quatre ans, une filière pourrait se mettre en place.