Depuis plusieurs mois, la Belgique est particulièrement pointée du doigt pour ses importations de gaz naturel liquéfié (GNL) russe. Les nouveaux chiffres publiés par le think tank IEEFA montrent que notre pays continue d’augmenter la cadence. La Belgique est l’un des meilleurs clients de la Russie.
Alors que l’UE a stabilisé ses importations de GNL russe, la Belgique les a (fortement) augmentées

Pourquoi est-ce important ?
C'est désormais connu de tous : en réponse aux sanctions européennes vis-à-vis de la situation en Ukraine, la Russie a arrêté de fournir une bonne partie de son gaz au Vieux Continent. Mais on parle là du gaz envoyé par gazoduc. Pour le GNL, transporté par bateau, c'est une autre histoire. Depuis la guerre, les échanges russo-européens ont augmenté. Et la Belgique y joue un rôle majeur.Dans l’actu : contrairement à ses voisins européens, la Belgique achète davantage de GNL russe.
- Selon un rapport du think tank IEEFA (Institute for Energy Economics and Financial Analysis), les importations européennes de GNL russe sont jusqu’à présent restées stables entre 2022 et 2023.
- Mais il y a des exceptions dans certains pays, dont la Belgique.
Les détails : les USA d’abord, la Russie ensuite.
- Selon l’IEEFA, les pays de l’UE ont déboursé 17,21 milliards d’euros en GNL américain entre janvier et juillet 2023.
- Le deuxième pourvoyeur de l’UE est la Russie : 5,51 milliards d’euros.
- Le Qatar (5,37 milliards) complète le podium. Il est suivi de l’Algérie, de la Norvège et du Nigéria.
- Au total, les Vingt-Sept ont dépensé 40,87 milliards d’euros en GNL sur les sept premiers mois de l’année, selon l’IEEFA.
« La Belgique a augmenté ses importations de GNL russe de 50% »
Zoom avant : la Belgique pointée du doigt.
- Jusqu’à présent, les importations de GNL russe en Europe sont restées relativement stables entre 2022 et 2023, ressort-il du rapport. C’est en tout cas ce qu’on constate à l’échelle de l’ensemble du bloc. Car si on analyse les chiffres pays par pays, on remarque que certains ont fortement augmenté leurs achats.
- Deux pays sont directement épinglés dans le rapport : la Belgique et l’Espagne. Elles auraient chacune augmenté leurs importations de GNL russe de 50% en un an.
- Troisième cliente européenne de la Russie, la Belgique aurait ainsi dépensé 1,30 milliard d’euros pour du GNL russe sur les sept premiers mois de l’année.
- La France est deuxième (1,32 milliard), l’Espagne première (1,65 milliard)
- Le GNL russe arrive en Belgique via le port de Zeebruges. Une bonne partie est ensuite « transbordée » dans d’autres navires, qui partent alors vers l’Europe ou l’Asie. Le terminal de Zeebruges est également pointé du doigt pour avoir été parmi ceux qui ont réceptionné le plus de GNL russe sur un mois depuis 2021 : 0,65 milliard de m³ rien qu’en mars 2023.
- Depuis, les exportations de GNL russe vers la Belgique ont progressivement diminué… avant de rebondir en septembre.
- Depuis le début de l’année, Zeebruges est aussi la destination n°1 du GNL provenant de Yamal, dans le nord-ouest de la Sibérie.
Les pays européens en feraient trop pour le GNL
Zoom arrière : l’UE construit-elle trop de terminaux GNL ?
- Autre grande conclusion du rapport : l’UE est peut-être en train de se doter de bien trop de capacités d’importation de GNL que nécessaire.
- Pour rappel, peu après le début de la guerre, plusieurs pays européens se sont empressés d’agrandir des terminaux existants et d’en construire de nouveaux afin de pouvoir accueillir davantage de GNL. Principalement depuis les États-Unis, choisis pour remplacer la Russie en tant que principal fournisseur de gaz.
- Selon les calculs de l’IEEFA, l’Europe a déjà ajouté 36,5 milliards de m³ de nouvelles capacités de GNL depuis le début de 2022.
- Or, sa consommation de GNL n’a augmenté que de 4,8 milliards de m³ jusqu’à présent cette année. Une nette baisse par rapport à l’augmentation de 46,2 milliards de m³ au cours de la même période en 2022.
- Selon les plans, la capacité d’importation européenne de GNL devrait atteindre 406 milliards de m³ en 2030.
- La demande de gaz, elle, devrait tomber à environ 400 milliards de m³, à mesure que le continent poursuit ses politiques de réduction de consommation.
- Parmi ces 400 milliards, il n’y aurait pas besoin de plus de 150 milliards de m³ de GNL. Ce qui laisse donc entrevoir un écart potentiel d’environ 256 milliards de m³ par rapport aux capacités qui seront alors en place.
- « La baisse de la demande de gaz remet en question le discours selon lequel l’Europe a besoin de davantage d’infrastructures GNL pour atteindre ses objectifs de sécurité énergétique. Les données montrent que ce n’est pas le cas », souligne Ana Maria Jaller-Makarewicz, analyste énergétique à l’IEEFA. « Malgré des progrès significatifs vers la réduction de la consommation de gaz, les pays d’Europe risquent de renoncer à leur dépendance à l’égard des gazoducs russes contre un système de GNL redondant qui exposerait davantage le continent à des prix volatils. »
C’est tout à fait légal
Contexte : pas d’embargo.
- Certes, l’augmentation des capacités d’importation de GNL est peut-être mal calculée. Et le fait que les pays européens continuent d’acheter massivement du GNL russe est questionnable.
- Mais tout cela n’a rien d’illégal. Pour l’instant, sur le plan énergétique, l’UE n’a instauré un embargo que sur le pétrole brut et les produits pétroliers russes. Concernant le gaz, il n’y a toujours rien.
- Malgré quelques appels à un embargo sur le GNL russe, rien ne semble être sur la table à Bruxelles.
- Comme le rappelait à Euractiv le mois dernier Simone Tagliapietra, de l’institut Bruegel, « il existe une réalité commerciale ». « Des entreprises européennes ont des contrats à long terme avec des fournisseurs russes » et pourraient donc ne réduire leurs achats que progressivement à mesure qu’expirent ces contrats.