En Autriche, on espère une fin rapide à la guerre en Ukraine… pour rétablir des relations cordiales avec la Russie

Si certains pays européens semblent bien décidés à couper les ponts avec la Russie pour très longtemps, il y a quelques exceptions. On parle souvent de la Hongrie, mais sa voisine autrichienne semble en faire partie également.

Pourquoi est-ce important ?

La guerre en Ukraine a semblé créer un fossé entre les pays européens et leurs alliés nord-américains d'une part, et la Russie d'autre part. Toutefois, comme dans de nombreuses matières, tout le monde n'est pas d'accord sur le Vieux Continent. Et cela sauterait encore plus aux yeux si la guerre finissait par s'arrêter.

Dans l’actu : l’Autriche n’est pas pressée de tourner le dos à la Russie.

  • Dans une déclaration qui dénote avec ce qui se dit généralement en Europe depuis un an, le ministre autrichien des Affaires étrangères a souligné que la Russie resterait importante « pour toujours » et qu’il était illusoire de penser le contraire. (1)
  • Dans le même temps, les livraisons de gaz russe vers l’Autriche fonctionnent parfaitement. (2)

« On ne peut pas relâcher nos liens du jour au lendemain »

Les détails (1) : « La Russie continuera d’être notre plus grand voisin ».

  • Interrogé par Reuters, le ministre autrichien des Affaires étrangères a tenu à rappeler que la Russie restera, quoi qu’on en pense, un acteur géopolitique (et plus encore) majeur.
    • « Dostoïevski et Tchaïkovski font toujours partie de la culture européenne, que cela nous plaise ou non. Elle continuera d’être notre plus grand voisin. Elle restera la deuxième puissance nucléaire du monde », a déclaré Alexander Schallenberg.
    • « Penser qu’il n’y aura plus de Russie et que nous pouvons nous découpler dans tous les domaines est illusoire », a-t-il souligné, ajoutant que même si l’Autriche relâchait ses liens, cela « ne peut pas se produire du jour au lendemain ».
  • Ces déclarations sont liées à l’enquête lancée en début d’année aux États-Unis au sujet de Raiffeisen, la deuxième plus grande banque d’Autriche.
    • Raiffeisen est une des deux banques étrangères à faire partie des 13 institutions considérées par la banque centrale russe comme systémiques pour l’économie du pays.
    • Depuis de nombreux mois, la banque autrichienne fait l’objet de nombreuses critiques du fait de son rôle majeur dans l’économie russe, que tentent de mettre à mal les alliés occidentaux via un attirail de sanctions.
      • Plus particulièrement, Raiffeisen est critiquée pour avoir participé à un plan visant à accorder des congés de versements hypothécaires aux troupes combattant en Ukraine.
  • Visiblement dérangé par les critiques, Schallenberg a contre-attaqué, rappelant que Raiffeisen était une banque autrichienne, devant répondre à la réglementation autrichienne et donc européenne. Et non pas à l’américaine.
    • « Il y a suffisamment de banques américaines, dont l’une porte le nom de Bank of America, présentes en Russie », a-t-il ajouté.

« On ne peut pas interdire le gaz russe : il y a des contrats à long terme »

Les détails (2) : la ligne gazière Russie-Autriche fonctionne parfaitement.

  • Les déclarations de Schallenberg sont à mettre en parallèle avec la politique énergétique poursuivie par l’Autriche. Car on le sait, l’un des principaux nerfs de la guerre Occident-Russie concerne ce secteur.
  • Le mois dernier, nous vous indiquions ainsi que Gazprom avait recommencé à respecter à 100% les contrats gaziers passés avec l’Autriche, après une chute à 30% quelques mois plus tôt. Ce mercredi, OMV, le principal importateur de gaz d’Autriche, a confirmé que, actuellement, les quantités livrées continuaient de correspondre aux quantités prévues.
    • Pourtant, la compagnie énergétique russe a fermé les vannes avec de nombreux autres pays européens depuis l’été 2022.
  • Avant la guerre, 80% du gaz utilisé par l’Autriche provenait de Russie. Depuis, le pays a (un peu) diversifié ses approvisionnements, mais il n’est pas prêt à mettre fin à ses contrats avec Gazprom. Le chancelier Karl Nehammer l’a reconnu lui-même il y a quelques semaines, « OMV a des contrats de longue date avec la Fédération de Russie. Si les Russes continuent de livrer, je ne peux pas interdire à OMV de remplir ses obligations contractuelles. »

Et après : sauf surprise, l’Autriche restera liée à la Russie pour un bon bout de temps.

  • Mis bout à bout, les discours de Schallenberg et de Nehammer ne laissent pas beaucoup de place aux doutes : l’Autriche ne se dépêchera pas de se défaire de ses liens avec la Russie, y compris sur le plan énergétique.
  • Selon les informations de Reuters, il apparaît d’ailleurs que certains responsables autrichiens espèrent que la guerre en Ukraine prendra fin rapidement, non seulement pour le bien de l’Ukraine, mais aussi pour pouvoir rétablir de meilleures relations avec la Russie.
  • Une attitude critiquée, entre autres, par Herbert Lechner, de l’Agence autrichienne d’énergie. Selon lui, la dépendance « excessive » de l’Autriche à la Russie est le résultat d’erreurs politiques commises au cours des dernières décennies, les responsables ayant relégué les tâches d’importation de gaz au secteur privé et « avant tout à OMV », a-t-il déploré auprès d’Euractiv.
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