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Audrey Hanard, présidente de Bpost, veut « tourner la page », mais de nombreuses questions restent sans réponse

Audrey Hanard, présidente de Bpost, veut « tourner la page », mais de nombreuses questions restent sans réponse
Audrey Hanard – NICOLAS MAETERLINCK/BELGA MAG/AFP via Getty Images

La présidente de Bpost, Audrey Hanard, accompagnée de l’administratrice Sonja Rottiers, s’est présentée hier matin devant la Commission de la Chambre pour éclaircir les conclusions du dernier audit interne de Bpost.

Pour résumer : Dans une présentation longue et exhaustive qui a semblé épuiser immédiatement les députés, l’entreprise a confirmé des irrégularités financières concernant trois contrats gouvernementaux : les amendes routières étrangères, les comptes bancaires 679, et la gestion des plaques d’immatriculation.

En substance : Hanard souhaite avant tout « tirer un trait sur le passé », permettant ainsi à Bpost de « tourner la page et de se projeter vers l’avenir ». Pourtant, de nombreuses interrogations persistent à propos de l’audit, tant sur la méthode employée que sur son contenu.

  • Une interrogation majeure : L’audit interne a-t-il été vraiment neutre ? Principalement mené par les cabinets d’avocats Eubelius et Jones Day, il est apparu que des relations familiales ou amicales existent entre les cadres de ces cabinets et certains hauts responsables de Bpost. Plus préoccupant, Eubelius est co-responsable depuis des années du contrat presse, où un précédent audit avait relevé des suspicions de manipulation de marché.
  • Hanard a tenu à préciser : « Chaque dossier, parmi les trois, a été confié à un cabinet d’avocats sans lien préalable avec le sujet », soulignant qu’un troisième cabinet avait été sollicité pour garantir l’objectivité.
  • Le député Michael Freilich (N-VA) a rétorqué : « Il ne s’agissait pas d’un audit indépendant puisque réalisé par des avocats rémunérés par vous, probablement dans le but de minimiser les sanctions. » Et d’ajouter : « Cela va à l’encontre de vos propres principes de bonne gouvernance. Comment sommes-nous censés vous prendre au sérieux ? »
  • Hanard a répondu avec finesse : « Effectivement, ce n’était pas un audit externe, c’est pourquoi nous sommes ouverts à tout contrôle externe de nos partenaires institutionnels. » Rappelons qu’après des mois de tergiversations, le vice-premier ministre Pierre-Yves Dermagne (PS) a enfin trouvé un candidat pour mener cet audit externe.

Au cœur du débat : L’estimation de 75 millions d’euros, somme que Bpost s’est dite prête à rembourser à l’Etat, est-elle suffisante ?

  • Selon Hanard, cette « surcompensation » a été chiffrée par un bureau spécialisé, en se basant sur les marges bénéficiaires et les prix usuels du marché. Elle a assuré que Bpost remboursera cet excédent au gouvernement. Concernant le commentaire de Freilich, elle a précisé : « Ce n’étaient pas les avocats qui ont effectué ces calculs. »
  • Cependant, certains bruits courent dans les couloirs politiques, suggérant que cette estimation serait largement sous-évaluée. La réaction des trois ministères concernés (Justice, Mobilité, Finances) est donc attendue avec impatience. « Nous entamons les discussions avec les autorités concernées et comparerons ensuite nos évaluations », a commenté Hanard.

Parallèlement : une observation a été faite au sein des cercles gouvernementaux : la manière dont Bpost a déterminé son « amende » envers l’État belge à seulement 75 millions d’euros, alors qu’il est question de plusieurs milliards d’euros de fonds publics détournés sur une décennie.

  • À ce sujet, Sonja Rottiers, présidente du comité d’audit chez Bpost, a précisé que cette évaluation était « fondée sur une référence : combien cela aurait-il coûté en plus à l’État si des services similaires avaient été assurés par d’autres acteurs ? »
  • Elle a décrit cette démarche comme une « comparaison objective, bien que pas totalement précise ». Toutefois, c’est là qu’apparaît un problème : au lieu de simplement évaluer ses propres coûts, Bpost a mené une étude de marché, puis comparé les bénéfices réalisés sur les contrats, qui s’avéraient excessifs. Cependant, Hanard est demeuré particulièrement vague concernant les marges de Bpost vis-à-vis de l’État, très probablement car c’est le point le plus sensible de cette affaire.
  • En effet, les directives européennes relatives aux contrats publics sont on ne peut plus claires : la marge autorisée est de 7,4 % maximum, au-delà il s’agit d’une aide d’État illégale. Or, selon les audits internes de Bpost, les marges dépassent les 50 %.

Des pommes pourries ou une culture d’entreprise ?

La question fondamentale : S’agissait-il simplement de « quelques pommes pourries » ou d’une culture d’entreprise structurellement défectueuse chez Bpost ?

  • Y aura-t-il d’autres révélations ? Hanard assure : « Nous estimons avoir fait toute la lumière. Aucun autre signe de malversation n’a été détecté. »
  • Hanard et Rottiers ont souligné que le problème de gestion au sein de Bpost venait d’un « nombre limité de personnes ». Pour être précis, quatorze employés : huit qui ont été licenciés et six qui ont été avertis. En outre, certains employés impliqués avaient quitté l’entreprise avant l’audit.
  • « Certains employés de Bpost n’ont pas correctement déclaré les coûts, et il n’y avait aucune surveillance à ce sujet », a déclaré Rottiers à propos des amendes routières et des comptes 679.
  • La députée Eva Platteau (Groen) demeure sceptique : « Lorsqu’on considère l’ensemble, cela semble concerner un groupe plus conséquent. J’ai le sentiment qu’il s’agit plutôt d’une culture d’entreprise récurrente sur plusieurs mandats. » Son collègue, Jef Van den Bergh (cd&v), partage cet avis.

BL


« Bpost Hold-up » , écrit par nos journalistes Wouter Verschelden et Emmanuel Vanbrussel, raconte comment des milliards d’euros d’argent public ont afflué vers Bpost et les éditeurs de journaux. Il est disponible ici.


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