Après la Grande-Bretagne en octobre dernier, c’est maintenant l’Allemagne qui s’alarme du départ de ses anciens pilotes vers la Chine. Une vogue qui pourrait donner un avantage aux avions chinois en cas de confrontation directe. En réponse, les différents ministères des Armées planchent sur une riposte juridique pour s’assurer la fidélité de leurs anciens soldats.
L’enjeu : la Chine n’hésite pas à mettre le prix pour recruter d’anciens pilotes à l’étranger, pour assurer la formation des siens.
- 240.000 livres sterling par an : c’est ce qu’un ancien pilote militaire occidental peut espérer gagner s’il accepte de commencer une nouvelle carrière en Chine. Et ça n’est pas un phénomène anecdotique : c’est une véritable filière qu’a mise au grand jour de ministère britannique de la Défense en octobre dernier.
- Ces embauches semblent se faire principalement pas le biais d’une société-écran nommée Test Flying Academy of South Africa, et elles concernent des pilotes britanniques, mais aussi canadiens, étasuniens, et Français. Si ce sont surtout des pilotes d’avion qui ont répondu, d’autres, formés sur hélicoptère, auraient aussi cédé aux sirènes chinoises.
- Et également allemands : le ministre de la Défense du pays, Boris Pistorius, a interpelé Li Shangfu, son homologue chinois sur cette question, lors d’un congrès à Singapour samedi dernier.
Les Chinois ne nient même pas
« J’ai évoqué la question des pilotes allemands de la Bundeswehr qui ont apparemment été recrutés pour assurer la formation des pilotes chinois. J’ai clairement indiqué que j’attendais que cette pratique cesse immédiatement et je lui ai dit qu’il ne serait lui-même probablement pas très content si j’essayais de faire la même chose. »
Boris Pistorius après la rencontre
Le ministre allemand a toutefois ajouté que, si son homologue n’a pas nié la pratique, il en a minimisé l’ampleur. Pourtant, en Allemagne, l’affaire cause des turbulences. L’hebdomadaire Der Spiegel et de la chaîne de télévision ZDF ont ainsi signalé que la pratique n’était ni récente ni surtout transparente, avec des rémunérations qui arrivent aux pilotes vétérans via des sociétés-écrans basées aux Seychelles.
- Le monde politique allemand s’inquiète de la divulgation possible de secrets militaires par ces pilotes. « Nous sommes inquiets que des militaires, après avoir travaillé pour l’État allemand, puissent avoir des emplois qui les amènent à trahir des secrets d’État », a ainsi lâché Konstantin von Notz, le président du comité de contrôle des services de renseignement du Bundestag.
- On peut ajouter que, même inconsciemment, ces pilotes apportent à la Chine leur connaissance des procédures et des tactiques de l’OTAN comme de leur pays d’origine. Un avantage qui peut peser dans la balance, si un jour on en vient à la confrontation : connaître le schéma de pensée de son ennemi serait un avantage indéniable pour les pilotes chinois.
- C’est d’ailleurs aussi vrai d’un point de vue technique : Londres craignait particulièrement que Pékin n’obtienne ainsi des informations essentielles sur les compétences (et potentielles faiblesses) de ses nouveaux F-35, des chasseurs-bombardiers de cinquième génération de fabrication américaine et qui équipent un nombre croissant de pays de l’OTAN.
- La même inquiétude reste valable pour d’autres appareils de l’ordre de bataille de l’Alliance. Or, selon The Defense Post, les pilotes allemands en question ont bien participé à des exercices de l’OTAN, sur des chasseurs de « quatrième génération et demie » Eurofighter.
Arsenal juridique
Dans un contexte de confrontation croissante avec l’Empire du Milieu, savoir que d’anciens militaires contribuent à la montée en puissance de l’aviation chinoise par appât du gain fait tache. Différents pays envisagent donc de durcir leur arsenal juridique sur cet enjeu spécifique.
- En Grande-Bretagne, le ministère de la Défense envisageait de mettre en œuvre des contrats de confiance ou des accords de non-divulgation. Le ministre allemand a quant à lui évoqué un examen de chaque cas individuel avant d’envisager une réponse législative : « Les militaires peuvent exercer d’autres activités après leur temps de service, mais dans le cadre de nos lois et de leurs obligations. »
- La question est arrivée aussi à l’ordre du jour du parlement français, signale Opex360, avec une disposition spéciale ajoutée à la Loi de programmation militaire 2024-30, votée la semaine dernière. Après leur temps sous les drapeaux, les anciens militaires français devront dorénavant faire part au ministère de leur intention d’exercer une activité dans le domaine de la défense ou de la sécurité au bénéfice d’un État étranger.