Pour des devises devant s’affranchir des diktats étatiques, les cryptomonnaies et leurs adeptes dépendent encore fortement des troubles géopolitiques et du bon vouloir des gouvernements.
On l’a vu l’année passée, quand la Chine a soudainement banni le minage des cryptomonnaies de son territoire, déclenchant un véritable exode. Mais aussi plus récemment au Kazakhstan, quand le gouvernement du pays a coupé les connexions à Internet afin d’étouffer dans l’œuf la contestation… Et privant du même coup les nombreuses mines à jetons du pays de l’énergie nécessaire à leurs prospections.
16.500 milliards de roubles de crypto
Dans cette optique, les yeux des adeptes des jetons se tournent de plus en plus vers la Russie, qui abriterait environ 12% des avoirs mondiaux en cryptomonnaies. Selon les estimations du Kremlin, la valeur des cryptomonnaies détenues par les citoyens russes s’élèverait à 16 500 milliards de roubles, soit environ 214 milliards de dollars. Une manne financière qui s’échange loin du regard de l’État, et auquel celui-ci devra bien réagir à un moment ou un autre.
Le gouvernement russe est assez ambivalent sur les cryptomonnaies, le président Poutine semblant intéressé par le concept mais relativement sceptique. Le Kremlin a toutefois annoncé qu’il adopterait un système de régulation des cryptomonnaies dans le courant de l’année, rejoignant ainsi la liste des pays qui tentent de légiférer l’usage qu’il est fait des jetons en tout genre. La Belgique par exemple, vient de faire de même.
Des statuts, de la surveillance, des sanctions
La feuille de route, signée par le vice-président du gouvernement, Dmitry Chernyshenko, suggère d’introduire des règles de connaissance du client (« Know your Customer », KYC) et de lutte contre le blanchiment d’argent pour les plateformes de cryptomonnaies, de définir leur statut réglementaire, de mandater un organe de surveillance et d’établir des sanctions pour ceux qui ne respectent pas les règles.
Le calendrier prévoit que, d’ici mai, le ministère des Finances devra avoir conçu un système de contrôle de conformité pour les plateformes peer-to-peer (P2P). D’ici novembre, les normes de lutte contre le blanchiment d’argent définies par le Groupe d’action financière (GAFI) devraient être adoptées. D’ici décembre, des règles d’enregistrement et de déclaration par les plateformes de cryptomonnaies devraient être créées.
La Banque de Russie n’en veut pas
La non-déclaration des transactions en cryptomonnaies devrait faire l’objet de sanctions administratives et pénales. Il est également prévu d’introduire une loi obligeant les Russes à déclarer leurs avoirs en cryptomonnaies. Une méthode pour définir les prix des cryptoactifs doit également être développée.
Si la Russie a décidé d’avancer vite sur ce sujet, le chemin qu’elle prend, axé sur la régularisation, n’est pas du gout de tous les acteurs du pays. Si ce plan a été bâti en collaboration par le ministère des Finances, celui du Développement, ainsi que le Procureur général de la Fédération, la Banque de Russie s’est abstenue. L’institution bancaire centrale du pays défend, elle, une interdiction totale des cryptomonnaies, à la manière chinoise.