Amende contre l’usage de cannabis: la France marche à contre-sens

Le tout frais ministre de l’Intérieur, Gerard Darmanin, marque son territoire. Ce mardi, il a annoncé avec effet immédiat la généralisation d’une amende forfaitaire de 200 euros pour usage de stupéfiants. Si toutes les drogues sont visées, c’est bien le cannabis qui est dans le viseur du gouvernement. Une démarche à contre-courant.

Cette amende directe a été testée durant deux mois dans plusieurs villes comme Marseille, Lille, Rennes ou encore Créteil. Ce 26 août, le bilan était de 545 amendes, dont 173 rien que pour la ville de Rennes. ‘166 portaient sur du cannabis et 7 sur de la cocaïne’, a précisé la ville bretonne à France Info.

Appuyant une décision déjà prise fin juillet par le Premier ministre Jean Castex, Gérard Darmanin a annoncé jeudi la généralisation de cette amende. Officiellement pour enrayer ‘les points de reventes qui gangrènent les quartiers’. Mais, ici, c’est bien l’usage qui est verbalisé: 200 euros d’amende, ramenée à 150 euros si payée dans les 15 jours, et étendue à 450 euros si non réglée dans les 45 jours.

Si pas une dépénalisation, une tolérance…

La France continue donc d’appliquer l’une des politiques les plus répressives d’Europe. Et ce, alors qu’en 2019, les Français étaient toujours les plus gros consommateurs du Vieux Continent en matière de cannabis, selon l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies. 45% des Français l’ont déjà testé, 21% des 15 et 34 ans l’ont consommé dans l’année, alors que ce pourcentage tournent autour des 15% dans les autres pays européens.

Si une légalisation totale de la consommation et de la vente de cannabis n’a pas encore eu cours en Europe, au contraire de certains États aux États-Unis et du Canada, de nombreux pays européens les ont dépénalisés ou les tolèrent. C’est le cas de la Belgique par exemple. Les Pays-Bas, où le cannabis est en vente libre, ont récemment été rejoints par le Luxembourg qui a mis en place 14 points de vente dans le pays, à certaines conditions (30 grammes par mois max, plus de 18 ans, avoir habité au moins 6 mois dans le pays, et points de vente écartés des écoles).

À titre de comparaison, 17,5% des jeunes Néerlandais ont consommé du cannabis dans l’année, alors que l’on trouve des cofee shops à tous les coins de rue. Seuls 10% des jeunes Belges, alors que la consommation de cannabis y est largement tolérée désormais, les éventuelles sanctions y sont beaucoup faibles, de 15 à 100 euros, en cas de deux récidives dans l’année.

Où est la logique ?

Mais pour Gérard Darmanin, ‘s’il n’y avait pas de consommation, il n’y aurait pas de trafic’, a-t-il réagi devant les caméras de BFMTV. Le ministre est-il complètement à côté de la plaque ? On pourrait lui rétorquer: ‘Si le cannabis était légalisé, il n’y aurait plus de trafic.’ La consommation étant ce qu’elle est, la limiter par des campagnes de prévention fait beaucoup plus sens ici, que de vouloir changer un comportement de consommation par la répression. Les chiffres le démontrent. La répression ne fonctionne pas.

Ce que veut empêcher le gouvernement par cette mesure, c’est aussi de désengorger la justice et les commissariats pour des faits mineurs ou des petits consommateurs. Objectif louable. Mais c’est aussi mettre le problème sous le tapis, en ne s’attaquant pas à la racine d’un problème de santé publique.

Quant aux trafiquants, ils s’en sortent finalement pas si mal. Avec une limite de détention de 100 grammes, plus d’un trafiquant préférera l’amende aux tribunaux.

Le dernier objectif annexe est sans doute d’éviter la consommation en rue. Mais là encore, plusieurs associations voient rouge, car cette nouvelle réglementation peut mener à de la discrimination: tout le monde n’a pas un jardin ou une belle terrasse pour fumer son joint.

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