Les Biélorusses ont évacué le camp de migrants à la frontière polonaise, et les ont apparemment relogés dans des abris proches. Plus au nord, la Finlande estime qu’elle a déjà été l’objet d’une « attaque-hybride » de ce genre en 2016, et elle en craint une nouvelle. La situation politique de la république finlandaise se tend sur le sujet de la surveillance de ses 1 340 km de frontières avec la Russie.
Ce sont des images qui vont sans nul doute rester dans l’histoire : plusieurs milliers de migrants, dont des femmes et des enfants parfois très jeunes, contraints de camper dans les bois en plein hiver, coincés entre des soldats biélorusses, et une frontière polonaise ultra-surveillée. Mais ce qui s’annonçait comme une terrifiante nouvelle crise humanitaire orchestrée par Minsk, avec, selon le gouvernement polonais, l’aide de Moscou, semble se résorber : côté biélorusse, le camp a été évacué, et les migrants ont été transférés vers des logements et des hangars aménagés, alors que le nombre de décès semblait en hausse, même si le bilan reste inconnu. Un premier vol de rapatriement est aussi parti du pays vers l’Irak avec 400 personnes à bord.
Désescalade ou changement de stratégie ?
Un retrait considéré comme un premier geste de désescalade de la part de Minsk, selon l’Union européenne. Mais que la Pologne perçoit plutôt comme un changement de stratégie, car les tentatives de passer la frontière continuent, et semblent même se produire plus loin de l’épicentre de la crise. Varsovie accuse son voisin de continuer à encourager les migrants à tenter de forcer le passage, voire de les véhiculer vers des zones moins surveillées. Des bénévoles humanitaires ont, eux, signalé qu’ils étaient venus en aide à un nombre croissant de migrants passés du côté polonais.
Une attaque rodée en Finlande
Plus loin au nord, c’est en Finlande que l’ont craint de voir se profiler ce genre de crise, qualifiée d’ « attaque hybride » et orchestrée par la Biélorussie avec une probable aide de Moscou. Car le pays nordique partage une frontière commune avec la Russie sur 1 340 km, et l’opposition politique, qui regroupe entre autres le très à droite Parti des Finlandais et les chrétiens-démocrates de Kokoomus, réclame déjà son renforcement.
Si l’opposition n’est pas assez forte pour faire tomber le gouvernement, une coalition d’écologiste et de socialistes, on perçoit bien l’inquiétude que suscite dans le pays la crise à la frontière polonaise: « La Finlande doit empêcher les pays étrangers d’expérimenter l’influence hybride en exploitant les demandeurs d’asile » a déclaré Kai Mykkänen, le chef du groupe parlementaire Kokoomus. « C’est la seule façon d’empêcher une situation qui serait une catastrophe humaine pour des dizaines de milliers de personnes prises dans le processus et une menace pour la sécurité nationale et la souveraineté du pays d’accueil. »
Rétrospectivement, les Finlandais pensent avoir déjà été victimes d’une attaque similaire de la part des Russes : entre janvier et février 2016, un millier de migrants s’est présenté à un unique poste-frontière dans l’Arctique. Or, on n’arrive pas aisément dans la région, surtout au cœur de l’hiver nordique : les autorités finlandaises pensent que les Russes leur ont offert le transport et l’hébergement à l’hôtel pendant leur voyage vers le nord, et leur ont donné des instructions pour demander l’asile une fois la frontière passée. D’autant que la moitié de ces migrants avait vécu légalement en Russie pendant des années, selon l’enquête menée par les Finlandais. À l’inverse de la crise récente, il ne s’agissait pas de gens venant de fuir la guerre ou la détresse humanitaire. Une probable expérience grandeur nature de ce genre d’instrumentalisation des candidats à la migration en somme.
Une clôture de l’Arctique à la Baltique ?
Cette attaque a placé la Finlande à la tête des pays susceptibles d’être confrontés à ce genre de tentative de déstabilisation, et ce n’est pas un hasard si le European Centre of Excellence for Countering Hybrid Threats (Le Centre européen d’excellence pour la lutte contre les menaces hybrides), qui collabore avec l’UE et l’Otan, est basé à Helsinki.
Mais selon l’opposition, le gouvernement n’a pas pris de mesures concrètes pour sécuriser sa très longue frontière. Kai Mykkänen a appelé à la construction d’une clôture, comme l’ont fait les Polonais et les Baltes. Bien qu’en pratique, cela serait extrêmement difficile en raison du terrain forestier dense de la région, non seulement en termes de coûts de construction, mais aussi de main-d’œuvre pour patrouiller et entretenir cette clôture qui devrait s’étirer de la province de Laponie Arctique à la mer Baltique. Le chef des gardes-frontières finlandais, Pasi Kostamovaara, a rejeté cette idée, affirmant qu’il existe déjà suffisamment de mesures de surveillance des frontières.