Une cérémonie en grande pompe, organisée à Fort Worth, au Texas. Lockheed Martin a enfin présenté son premier F-35 en présence du Premier ministre Alexander De Croo (Open Vld), du chef d’État-major Michel Hofman et du commandant des forces aériennes Thierry Dupont. La ministre de la Défense Ludivine Dedonder (PS) n’était étrangement pas présente.
- Après une accumulation de retards, le premier F-35 Lightning II est enfin apparu. Il s’agit du premier appareil d’une commande de 34 avions effectuée en 2018 pour un contrat de près de 4 milliards d’euros. Cet avion de 5e génération n’est toutefois pas encore prêt à garnir les hangars belges : il s’agissait d’une simple démonstration.
- Ce premier appareil est complet et peut voler, mais il doit encore obtenir une mise à jour logicielle importante, ce qui fait qu’il est cloué au sol, comme tous les F-35 qui sortent de la chaîne d’assemblage de Fort Worth depuis le mois de juillet.
- Dans le meilleur des cas, ce premier F-35A sera prêt au deuxième trimestre 2024. 7 autres appareils sont également en production à différents stades d’assemblage, dont 3 seront terminés pour juin et les 4 restants pour septembre. Mais ces 8 appareils ne devraient pas arriver sur le sol belge avant 2025. À plus long terme, Lockheed Martin devrait avoir livré tous ses appareils à la Belgique d’ici à 2030.
- Ce calendrier à rallonge n’est pas sans incidence sur le plan politique, puisqu’aucun de nos vieux F-16 ne sera livré à l’Ukraine avant l’arrivée des F-35.
- Sur place, plusieurs personnalités entouraient le Premier ministre. L’astronaute Raphaël Liégeois et l’ambassadeur des États-Unis en Belgique, Michael Adler. On retrouvait aussi les principaux membres de l’état-major des armées, mais l’absence remarquée de Ludivine Dedonder. Il est étrange que la ministre de la Défense ne soit pas présente pour ce qui est l’un des plus gros dossiers de sa législature. L’entourage de la ministre n’a pas répondu à nos questions à ce stade.
- En attendant, le Premier ministre a pu braquer les projecteurs sur lui, au Texas. Alexander De Croo a parlé d’une « étape importante pour assurer notre propre sécurité » devant les caméras de la VRT. « Nous savons que depuis deux ans, ce n’est pas évident en Europe. Nous devons protéger notre richesse et notre démocratie. Nous devons le faire avec le juste matériel. » Il a ajouté qu’il s’agit « d’un projet industriel qui impliquera notre pays, qui a beaucoup à offrir avec cette technologie de pointe ».
- En effet, à l’occasion de la présentation, les deux sociétés belges Safran et Sabca ont annoncé la signature de deux contrats de sous-traitance pour un montant de 2 milliards d’euros, et même peut-être un autre milliard supplémentaire à plus long terme. De quoi faire dire au Premier ministre que « nous pourrons entièrement récupérer le prix d’achat » des appareils.
- Safran Aero Boosters fabriquera des éléments du moteur en coopération avec l’entreprise flamande BMT Aerospace. À cette occasion, une nouvelle chaine de production sera créée à Liège, avec une centaine des nouveaux emplois à la clé. De son côté, la Sabca construira en partie les ailes des appareils en matériaux composites.
- Sur le plan politique, l’achat américain de ces trente-quatre F-35 est une source de tension au niveau européen. Car dans le même temps, il semble que notre pays veuille jouer un plus grand rôle dans le programme européen SCAF, un ensemble de systèmes d’armes aériens interconnectés, avec un nouvel avion de combat et un logiciel commun à tous les appareils de l’UE.
- La semaine dernière, de manière assez surprenante, la ministre de la Défense a annoncé sur LinkedIn que la Belgique « intègrera officiellement » le programme SCAF comme membre à part entière « en juin 2025 », en compagnie de la France, de l’Allemagne et de l’Espagne.
- De quoi faire bondir de sa chaise Éric Trappier, le grand patron de Dassault Aviation. Ce dernier estimait qu’on ne pouvait « pas s’autoproclamer partenaire », ajoutant que « le statut d’observateur est celui qui a été décidé ». Il a clairement adressé une pique à notre pays : « La Belgique compte-t-elle un jour acheter des avions de combat non-américains ? Je n’ai pas entendu de réponse des autorités belges. En trente ans, ils ne l’ont jamais fait. »