Deux superyachts de Roman Abramovich sont désormais amarrés en Turquie, pays qui ne répercute pas les sanctions occidentales, tout en condamnant la guerre. Depuis le début de l’invasion de l’Ukraine, la Turquie joue la carte de la neutralité et de la diplomatie. Mais cette position pourrait également attirer les investissements des oligarques russes.
Solaris, un yacht appartenant à Roman Abramovich, naviguait apparemment sans destination précise sur la Méditerranée, depuis plusieurs jours. Mais lundi, il a bien accosté en Turquie, à Bodrum, sous l’accueil de manifestants brandissant des drapeaux ukrainiens. Mardi, un deuxième superyacht appartenant à Abramovich, Eclipse, long de 162,5 mètres, comprenant deux héliports, neuf étages, une piscine, un système anti-missiles, et naviguant sous drapeau bermudien, a posé ses amarres en Turquie, à 80 km du premier, à Mamaris, rapporte Reuters.
Les deux yachts sont passés finement à côté des eaux des pays qui imposent des sanctions, dont le gel ou la saisie des yachts, aux oligarques russes. Mais le milliardaire russe en posséderait encore d’autres, selon les données de sites spécialisés comme Super Yacht.
La Turquie, un refuge pour les oligarques?
Bien qu’elle condamne la guerre, la Turquie n’enjoint pas les sanctions prononcées par l’est, et s’y dit même opposée. De la sorte, elle pourrait attirer les oligarques russes qui veulent continuer à faire des affaires. En tout cas, elle y compte bien. « Nous agissons de manière sensible sur des questions telles que le transfert de l’argent des oligarques en Turquie », indique une source proche du pouvoir à Ankara, à Reuters.
La semaine dernière, Abramovich est même rapidement passé à Istanbul. Selon une source citée par Reuters, en contact avec le miliardaire russe, lui et d’autres oligarques voudraient en effet investir en Turquie. La source ne donne pas plus de détails, mais indique qu’Abramovich voudrait travailler et acheter des actifs en Turquie.
Mais cette « initative » de la Turquie ne fait pas l’unanimité dans le paysage politique. Des opposants à Erdogan, comme Utku Cakirozer, député du principal parti d’opposition CHP, estiment que ce jeu d’équilibriste, et la présence des yachts sous embargo partout ailleurs en Europe, pourrait mener le pays dans une situation délicate, à échelle internationale. Surtout qu’avec les demandes ukrainiennes et géorgiennes d’adhésion à l’Union européenne, la Turquie revient en force avec sa demande également.
Mais la Turquie a des relations économiques et diplomatiques fortes avec l’Ukraine et Russie. Elle a d’ailleurs mainte fois proposé d’organiser des négociations entre les deux parties. Le Premier ministre néerlandais, Mark Rutte, en visite d’Etat à Ankara mardi, a souligné l’importance du dialogue que le pays peut tenir avec les deux parties. « C’est une des seules lignes ouvertes que nous avons vers les deux pays », a-t-il déclaré. « Nous serions très favorables à ce que la Turquie applique toutes les sanctions, mais je pense que nous devons aussi nous réjouir du fait que la Turquie joue son rôle diplomatique. »
La neutralité et la diplomatie d’un côté, tout en attirant des capitaux de l’autre, pourrait en tout cas être une situation gagnant-gagnant pour la Turquie. A voir à quel point l’Occident réagira, si les oligarques s’y établiront de plus en plus.