Wall Street doit apprendre à vivre avec les décisions unilatérales de la Fed sur les taux d’intérêt. Celles-ci impactent fortement les marchés, qui continuent à baisser, et ça ne semble pas prêt de s’inverser. La stratégie de la Fed contre l’inflation fait craindre le pire à certains économistes.
La semaine dernière la Fed, la banque centrale américaine, a mis en place une hausse de 75 points des taux d’intérêt ; une mesure aussi dure qu’exceptionnelle pour tenter d’enrayer l’inflation, qui n’avait plus été mise en œuvre depuis 1994. Les conséquences ne se sont pas fait attendre, à Wall Street, et les investisseurs ont encaissé de lourdes pertes : l’indice S&P 500 a enregistré sa dixième semaine de baisse sur les onze dernières, et il est désormais bien engagé dans un marché baissier, rapporte le média économique de référence CNBC. Jeudi, les 11 secteurs de l’indice ont clôturé à plus de 10 % en dessous de leurs récents sommets. La semaine dernière, le Dow Jones Industrial Average est passé sous la barre des 30 000 pour la première fois depuis janvier 2021.
« L’héroïsme est puni, la lâcheté est de mise »
Ajay Singh Kapur, économiste indien très en vue et stratégiste pour la Bank of America, a appelé les marchés à s’adapter à cette nouvelle situation dans une note aux clients ce vendredi. Pour lui, il est temps pour les investisseurs de cesser de lutter contre la Fed: « Dans un marché baissier, l’héroïsme est puni. La vaillance n’est pas nécessaire et la lâcheté est de mise dans la construction des portefeuilles – c’est la façon de préserver le capital et de vivre pour combattre un autre jour, en attendant la prochaine panique de la banque centrale, de meilleures valorisations et un nouveau cycle de hausse des bénéfices. »
Les actions liées aux nouvelles technologies sont gravement touchées, mais c’est encore pire sur le marché des cryptomonnaies, avec un Bitcoin qui plonge de 30%.
La croisade contre l’inflation
La croisade de la Fed contre l’inflation n’est pas vue comme inappropriée, pour la majorité des analystes, mais elle arrive bien tard, et tape donc proportionnellement très fort, alors que l’économie américaine reste très fragile. Dans la même note, Ethan Harris, économiste en chef de la Bank of America, l’a décrite comme étant « à une révision de la récession ».
« Nos pires craintes concernant la Fed se sont confirmées : elle a pris beaucoup de retard et joue maintenant un jeu dangereux de rattrapage. Nous nous attendons à ce que la croissance du PIB ralentisse pour devenir presque nulle, à ce que l’inflation s’installe autour de 3 % et à ce que la Fed relève ses taux au-delà de 4 %. » Du côté de la Fed, on assure que tout sera mis en œuvre pour endiguer l’inflation. Nul doute que les autres banques centrales, comme la BCE, scrutent avec attention ces résultats.