A l’instar d’Ecolo, Groen sera bientôt présidé par un duo, avec une influence bruxelloise

Le samedi 11 juin, Groen votera pour une nouvelle présidence. Ce faisant, le parti introduit une nouveauté dans la politique des partis flamands : un duo dirigera le parti, avec un pouvoir partagé. Les pionniers Jeremie Vaneeckhout et Nadia Naji ont lancé l’idée, et tous les autres tandems potentiels ont immédiatement pris le relais. Outre les deux favoris précités, deux autres duos sont candidats, des outsiders : le député bruxellois Juan Benjuema-Moreno associé à la députée flamande Elisabeth Meuleman. Et le jeune Jad Zeitouni en combinaison avec Jenna Boeve, une candidate transgenre. Deuxième constat : une présence ambitieuse de Bruxelles à la tête du parti. Cela pourrait donner au parti un changement de direction : dans la capitale, les Verts sont nettement plus affirmés et intransigeants. Une recette qui pourrait bientôt être appliquée à la Flandre.

Dans l’actualité : à 17 heures, « Groen présentera ses candidats à la presse » dans la Groenhuis, le siège du parti.

Les détails : Le parti, sous la houlette d’un duo, bascule-t-il dans certaines directions ?

  • Le tout dernier jour, quelques heures avant l’expiration du délai, deux nouveaux duos se sont affirmés pour prendre la présidence. La spécialiste de l’éducation et députée flamande Elisabeth Meuleman n’a pas été totalement une surprise : elle flirtait avec une candidature depuis plusieurs jours. Elle a choisi comme « colistier » le député européen bruxellois Juan Benjuema-Moreno.
  • Un autre duo de membres ambitieux, issus de la jeunesse du parti, est également sorti de nulle part : Jad Zeitouni, assistant de la vice-première ministre Petra De Sutter (Verts) et Jenna Boeve, qui travaille au cabinet de la Bruxelloise Elke Van den Brandt (Verts).
  • Les trois duos sont déjà présents au siège cet après-midi : l’objectif est d’éviter un clash qui pourrait « diviser » le parti. Les candidats peuvent encore se retirer par la suite, avant leur présentation officielle à 17 heures.
  • Ce qui caractérise ces trois candidatures, c’est qu’elles visent toutes une coprésidence, par analogie avec Ecolo, le parti frère francophone. Pour Meuleman et Benjuema-Moreno, il n’est même pas question de savoir qui sera le président sur le papier, et qui est deviendra le vice-président : lors d’une interview accordée au De Standaard, ils ont tiré à pile ou face pour régler la question. Ainsi, l’homme de Bruxelles, si son duo est plébiscité, sera bientôt officiellement « président ».
  • C’est Jeremie Vaneeckhout, membre du Parlement flamand et depuis cinq ans vice-président de Meyrem Almaci, qui a introduit cette nouveauté chez Groen, ce lundi. Il a immédiatement présenté son colistier obligatoire (toutes les candidatures chez Groen se font en duo, président/vice-président) comme coprésident à part entière. L’inconnue Nadia Naji s’est donc vue soudainement conférer le statut de co-candidat : une décision qui a été très bien accueillie par un électorat sensible à l’argument « pas deux hommes blancs » pour représenter le parti et qui a immédiatement forcé tous ceux qui ont suivi à faire de même.

Ce que cela signifie : Groen sera bientôt dirigé par un duo, quoi qu’il arrive.

  • C’est tout sauf une évidence, rue de la Loi, où généralement, tout tourne autour de l’omnipotence d’un président de parti, qui dirige, nomme les ministres, fixe la ligne générale du parti, est présent dans les débats (médiatiques) et, en fin de compte, mène aussi les négociations pour les accords de coalition.
  • Pour les partis flamands, il s’agit d’une nouveauté totale : jamais auparavant le travail n’a été partagé. Soit dit en passant, l’ancêtre de Groen – Agalev – n’avait pas non plus de tradition de présidents : un « secrétaire politique » et un « leader des discussions » présidaient le comité exécutif du parti. Mais même à cette époque, le pouvoir était finalement concentré dans les mains d’une seule personne : c’était certainement le cas sous Jos Gheysels, qui a dirigé le parti entre 1997 et 2003. Lorsque Vera Dua a transformé le parti en Groen en 2004 et l’a sauvé de la ruine, c’était également d’une main ferme.
  • Ecolo, son parti frère francophone, a une tradition très différente : là, c’est un groupe entier qui dirigeait le parti ; pendant un certain temps, c’était une équipe de quatre hommes, puis un trio. Ensuite, la tradition s’est généralisée autour d’un duo: Jean Michel Javaux et Isabelle Durant en 2007, Jean Michel Javaux et Sarah Turine en 2009. Ensuite, Emilie Hoyos et Olivier Deleuze en 2012. Enfin, Zakia Khattabi et Patrick Dupriez en 2014 et désormais Jean-Marc Nollet (qui remplacera plus tôt Patrick Dupriez) et Rajae Maouance en 2019.
  • La pratique s’avère plus difficile que la théorie : dans la tradition d’Ecolo, il y a toujours eu un des deux qui prenait de facto la direction des opérations. Jean-Marc Nollet, tant dans les médias que dans les conversations avec d’autres présidents, est en réalité plus prépondérant que la coprésidente Rajae Maouane.
  • En même temps, un tel travail en duo comporte aussi des dangers : toute dissonance entre le duo est immédiatement un incident potentiellement majeur. Maouane, par exemple, a souvent fait des déclarations publiques tranchantes, que Nollet a dû ensuite nuancer. Cela demande donc beaucoup de concertation et de coordination entre les deux, une énergie qui ne peut être consacrée au contenu du parti lui-même.

Autre phénomène : l’influence de l’aile bruxelloise.

  • Bruzz, la chaîne médiatique néerlandophone de Bruxelles, fortement subventionnée, a jubilé en apprenant que « trois Bruxellois proposaient une offre pour la présidence ».
  • Vaneeckhout a explicitement qualifié Naji de « Molenbeekoise ». Les déclarations récentes de Conner Rousseau, le président rival de Vooruit (socialistes flamands), ont même été l’élément déclencheur de sa candidature.
  • Benjumea-Moreno est né à Séville et n’a déménagé à Bruxelles qu’en 2009. Mais il se présente comme un pur Bruxellois, qui a troqué son amour du Betis pour l’Union Saint-Gilloise, et a appris un néerlandais plus que correct. Une solide vague verte l’a porté au Parlement bruxellois en 2019, où il est très présent dans les débats, ainsi que sur Twitter.
  • Zeitouni et Boeve ont tous deux un lien évident avec Bruxelles : le second travaille chez Elke Van den Brandt, la figure de proue de chez Groen dans la capitale. Et Zeitouni, aux racines libano-marocaines, a passé sa jeunesse à Anderlecht et à Ninove, et vit aujourd’hui dans le centre de Bruxelles.
  • Cela signifie qu’il y aura de toute façon une forte influence de la capitale au siège du parti écologiste. Ce n’est pas sans importance, précisément parce que les Verts à Bruxelles suivent une trajectoire différente de celle de la Flandre. Stimulée par des porte-paroles très actifs, Van den Brandt est particulièrement présente dans les médias et « vend » sa politique avec beaucoup de panache. Elle ne recule pas devant la confrontation ou la polémique, souvent au grand dam des partenaires de la coalition bruxelloise.
  • A Bruxelles, Groen a réussi à présenter un « un parti offensif » à ses partisans, contrairement à l’équipe fédérale, où l’on semble plus maladroit pour défendre ses acquis, ou au Parlement flamand, où Groen est souvent éclipsé par le PVDA ou Vooruit dans l’opposition.
  • Benjumea-Moreno l’a exprimé très clairement ce matin sur Radio 1 : « Il s’agit toujours de faire d’abord et de dire ensuite ce que l’on a fait : la zone à faible émission, l’innovation des logements sociaux, les prix des transports publics, voilà ce que nous avons mis en œuvre à Bruxelles. » Ce faisant, il s’est immédiatement engagé avec un langage très fort : « Le gouvernement flamand fait des écarts énormes, et leur politique climatique est super antisociale. »
  • Mais cette politique est très largement métropolitaine. Un phénomène qui, soit dit en passant, ne s’applique pas seulement aux Verts, mais s’observe également dans les partis francophones : l’aile bruxelloise suit de plus en plus sa propre voie. Dans les différents dossiers, allant de la limitation de la vitesse maximale à la réduction du nombre de voies de circulation, en passant par les péages urbains, il apparaît que les conséquences pour les navetteurs flamands ou wallons sont peu prises en compte. Cela a régulièrement conduit à des tensions entre les ailes bruxelloise et wallonne d’Ecolo, mais certainement au sein du PS.
  • À Bruxelles, l’influence de la « guerre des cultures » est également beaucoup plus forte : ce n’est pas un hasard si tous les politiciens flamands de Bruxelles ont réagi de manière presque unilatérale aux déclarations de Rousseau à Molenbeek : les mœurs et les coutumes de la politique francophone (par exemple, le cordon sanitaire) s’infiltrent plus facilement à Bruxelles. Mais des thèmes tels que l’abattage sans étourdissement sont également très sensibles, dans un cercle électoral où les votes des différents groupes ethniques ont beaucoup de poids.
  • Cette politique est liée au phénomène de plus en plus manifeste de l’identité propre de Bruxelles : en tant que région, Bruxelles développe l’idée d’une entité politique à part entière, et d’une existence propre aux côtés des Flamands et des Wallons. C’est certainement le cas du côté flamand : les libéraux et les socialistes y opèrent de manière de plus en plus détachée par rapport à leur propre parti mère, avec peu d’emprise (et parfois peu d’intérêt) du siège « flamand » sur la politique bruxelloise. Cette déconnexion ajoutera sans doute une dimension intéressante aux négociations par la suite, lors des discussions communautaires.
  • Quoi qu’il en soit, Groen portera bientôt une patte bruxelloise, qui se répercutera sur la ligne du parti. La question est de savoir si cette recette peut s’imposer dans un bassin électoral flamand qui fonctionne différemment. L’affirmation de soi et l’arrogance se côtoient dangereusement dans la rue de la Loi.
  • Et encore faut-il que les proportions soient justes : les politiciens bruxellois n’ont guère besoin de gagner des voix pour faire carrière et se retrouver soudainement au pouvoir. Dans quelle mesure ont-ils le droit de s’exprimer dans un parti flamand ? Benjumea-Moreno a obtenu un total de 862 voix préférentielles en mai 2019. Un conseiller communal moyen obtient facilement beaucoup plus de voix aux élections locales.

Ailleurs: comme prévu, les surprofits d’Engie sont très importants.

  • La Creg, le régulateur énergétique, prévoyait des bénéfices énormes pour Engie, compris entre 1,26 et 1,44 milliard d’euros. Eh bien on en est très proche: les résultats d’Electrabel pour 2021 ont montré que l’entreprise avait versé 1,24 milliard d’euros de dividende à Engie, sa maison mère.
  • Le Premier ministre Alexander De Croo (Open VLD) a confirmé ces chiffres ce matin sur Radio 1: « La rente nucléaire sera supérieure de plusieurs centaines de millions d’euros par rapport à une année normale », a-t-il expliqué.
  • Une somme qui pourra contribuer à payer la réduction de la TVA sur le gaz et l’électricité ainsi que la réforme des accises, a plaidé le Premier ministre.
  • La rente nucléaire est une sorte de taxe sur les bénéfices du géant énergétique qui va dans les poches de l’Etat. Avec les prix de l’énergie en hausse, la rente nucléaire devrait rapporter à l’État belge entre 523 (selon la Creg) et 680 millions d’euros (selon le gouvernement) en 2023 sur base des bénéfices de 2022. À titre de comparaison, même si 2020 était une année très spéciale, cette rente a rapporté 98 millions d’euros en 2021.
  • Une certaine pression s’exerce au sein du gouvernement pour augmenter cette taxe sur les bénéfices d’Engie, au regard des prix de l’énergie élevés justement. Mais juridiquement, la marge de manoeuvre de la Vivaldi est très limitée, alors que De Croo, en personne, et la ministre de l’Énergie Tinne Van der Straeten (Groen) négocient avec l’énergéticien français pour prolonger de dix ans deux réacteurs nucléaires, contre sa volonté initiale.
  • Ce matin, le Premier ministre a même été un peu dans le sens de la multinationale, argumentant que l’entreprise devait « mettre de côté suffisamment d’argent pour s’assurer qu’elle pourra remplir ses obligations concernant le démantèlement des réacteurs. L’exploitant doit en assumer intégralement les coûts ». C’est en effet une troisième variable des négociations en cours.
  • De son côté, le vice-premier ministre Georges Gilkinet (Ecolo) a profité de l’information pour remettre un petit coup de pression: « Les surprofits du secteur énergétique doivent servir au financement de la transition et au soutien des plus fragiles, pas à l’enrichissement des actionnaires ou de leur maison-mère. C’est pourquoi nous travaillons à une contribution de crise avec Tinne Van der Straeten. »

Lutte contre la fraude fiscale : la fin du secret bancaire ?

  • On le sait: ce gouvernement et en particulier le ministre des Finances a fait de la lutte contre la fraude fiscale et sociale une priorité.
  • Une étude du SPF Finances qui comprend une dizaine de mesures pour lutter contre la fraude fiscale a été validée par la Vivaldi, écrit La Libre, pour qui « s’en est fini du secret bancaire ».
  • Dans les faits, en matière de succession ou de recouvrement, le secret bancaire n’existe déjà plus en Belgique. Mais le gouvernement veut cette fois aller plus loin, sous recommandation du FMI.
  • Pour détecter la fraude fiscale, l’administration veut pouvoir disposer à sa guise d’un outil qu’on appelle le Point de contact central (PCC). Il contient un tas de données sur les Belges. On y retrouve les numéros des comptes bancaires de personnes physiques ou morales, belges ou étrangères. Mais aussi les numéros de compte à l’étranger de tous les contribuables soumis à l’impôt des personnes physiques (IPP). Ou encore tous les détails des transactions financières effectuées par une institution financière belge, et depuis 2022 les soldes des comptes bancaires.
  • Jusque-là, pour accéder à cette banque de données, il fallait qu’il y ait des indices de fraude et qu’une demande d’informations soit préalablement communiquée au contribuable, qui savait alors de facto qu’une enquête était menée contre lui.
  • Ici, les nouvelles recommandations validées par la Vivaldi le 1er avril suggèrent de faire l’inverse, dans un objectif de datamining. Accéder aux données entrecroisées pour justement trouver la fraude. Ce type de procédure demanderait à changer la législation et le Code des impôts, puisque la procédure par paliers, qui figure dans a loi, ne serait alors plus respectée.
  • Pour certains spécialistes, cet objectif poursuivi par le gouvernement et l’administration fiscale « s’apparenterait ni plus ni moins à une forme de dictature du fisc ». Le MR appuie sur les freins et estime que ce gouvernement a déjà fait assez contre la fraude fiscale. Le parti libéral francophone veut maintenant qu’on s’attaque à la fraude sociale.

Lecture intéressante : Les derniers chiffres du marché du travail européen ne sont pas vraiment agréables pour la Belgique. Pour la Flandre non plus d’ailleurs. Le taux d’activité des personnes issues de l’immigration est le plus faible dans l’UE.

  • Eurostat a publié de nouvelles données dans lesquelles l’ensemble du marché du travail européen est analysé. L’UGent s’est attelé à une analyse de cette situation, qui aboutit à quelques conclusions douloureuses.
  • Car le Saint-Graal, et aussi la solution budgétaire à tous les problèmes, est d’atteindre un taux d’emploi de 80 % : c’est justement le niveau des pays scandinaves, mais aussi des Pays-Bas et de l’Allemagne. Un tel taux permet surtout à la généreuse sécurité sociale, y compris les pensions, de devenir abordable pour un gouvernement d’Europe occidentale.
  • Mais, pour y parvenir, il faut que davantage de personnes soient actives. Et le problème n’est pas celui des chômeurs, car ils ne sont plus très nombreux en Belgique. La Belgique obtient des résultats particulièrement mauvais en ce qui concerne les « inactifs » : les personnes en incapacité de travail, en congé de maladie de longue durée, les (pré)retraités, les femmes au foyer, les étudiants et les personnes qui ne trouvent tout simplement pas le chemin du marché du travail (CPAS).
  • Les chiffres sont spectaculaires : en 2021, 1,3 million ou 21,8 % de tous les Belges âgés de 25 à 64 ans étaient inactifs. Cela nous place dans le top 5 de l’UE, après la Grèce, la Croatie, la Roumanie et l’Italie.
  • Et le fait qu’il s’agisse uniquement d’un phénomène wallon ou bruxellois ne ressort pas clairement de l’analyse de l’UGent : la Flandre présente également un très haut pourcentage d’inactifs, de 19,2 %.
  • Ce qui est aussi frappant, c’est que la Belgique s’en sort particulièrement mal avec les personnes issues de l’immigration : le pourcentage de personnes inactives y atteint 44,2 %, un record absolu au sein de l’UE. Les Pays-Bas, l’Allemagne et la France font également mauvaise figure dans cette catégorie, mais tous se situent entre 30 et 35 %.