En Allemagne, les architectes de la sortie du nucléaire planchent déjà sur la réactivation des centrales pour 2025

L’Allemagne est officiellement sortie du nucléaire en avril dernier. Une initiative actée par la tripartite gouvernementale actuelle (SDP-GRÜNEN-FDP) mais lancée il y a une dizaine d’années par la CDU d’Angela Merkel. Aujourd’hui, des chrétiens-démocrates veulent réactiver les centrales.

Pourquoi est-ce important ?

Sur le plan énergétique, l'Union européenne est divisée en deux grands blocs : le pro-nucléaire et l'anti. Les premiers ont la France comme cheffe de file, les seconds l'Allemagne. Les deux pays et leurs alliés s'écharpent régulièrement sur la section, chacun accusant l'autre d'être dans l'erreur... alors qu'ils ont pourtant le même objectif final : la neutralité carbone.

Dans l’actu : un membre influent de la CDU/CSU propose de réactiver les centrales nucléaires.

  • Cette semaine, Markus Söder a émis l’idée de réactiver les centrales nucléaires allemandes dès 2025.
  • C’est selon lui une mesure que devraient prendre les chrétiens-démocrates s’ils réintègrent le gouvernement.

Les détails : qu’a-t-il dit ?

  • Söder n’est pas n’importe qui. Il est le ministre-président de Bavière depuis près de cinq ans et membre de la CSU, le parti frère de la CDU uniquement actif dans ce land allemand – le deuxième plus peuplé du pays.
  • Dans une interview accordée à ARD, il a fait savoir que si sa famille politique revenait au pouvoir après les élections fédérales de 2025, elle pourrait – si la crise énergétique est toujours d’actualité – pousser pour la réactivation des centrales nucléaires.
  • Selon Söder, la sortie du nucléaire a fait de l’Allemagne un « moteur à contresens de la politique énergétique ». « Avec la crise, le monde entier se concentre désormais sur le maintien de l’énergie nucléaire comme énergie de transition – seule l’Allemagne ne le fait pas », a-t-il déclaré.
    • Effectivement, plusieurs pays européens se sont récemment tournés vers le nucléaire (prolongation en Belgique, construction de réacteurs supplémentaires en France, construction de premiers réacteurs en Pologne). De là à dire que le monde entier est pro-nucléaire, il exagère quelque peu, certains pays restant fidèles à leur tradition anti-atome, son voisin autrichien en étant le meilleur exemple.
  • L’élu de la CSU/CDU a également tancé plus globalement la politique énergétique menée par la tripartie au pouvoir, et notamment sa loi de réduction de la consommation de l’énergie – d’ailleurs vivement encouragée par Bruxelles auprès de tous les États de l’UE.
    • « Cela signifie que nous devrions réduire la voilure. Avez-vous déjà vu quelque chose qui semble mieux qu’avant une fois qu’il a rétréci ? », a déclaré Söder « C’est pourquoi je pense que nous avons besoin de deux choses : revenir à l’énergie nucléaire au lieu de rallumer des centrales au charbon et s’appuyer sur de nouvelles technologies telles que la fusion nucléaire.

Söder et le nucléaire, c’est je t’aime moi non plus

Le contexte : un pompier-pyromane ?

  • La décision de sortir l’Allemagne du nucléaire a été prise en 2011, à la suite de la catastrophe de Fukushima. À l’époque, si tous les partis un tant soit peu influents étaient d’accord, l’initiative avait surtout été impulsée par la chancelière et présidente de la CDU Merkel – autrefois loin d’être contraire au nucléaire – en personne. Et quasiment tous les chrétiens-démocrates abondaient dans son sens.
  • Söder lui-même, alors ministre de l’Environnement et de la Santé de Bavière, s’était positionné comme un fervent partisan de la sortie du nucléaire – alors que, comme Merkel, il était favorable à l’atome par le passé.
    • Il avait même menacé de démissionner de son poste si la Bavière ne soutenait pas une sortie pour 2022, rappelle ZDF.
    • Une position qu’il maintiendra pendant dix ans, faisant encore valoir en novembre 2021 qu’une sortie du nucléaire était « basée sur une large acceptation sociale ».
  • Mais depuis que la guerre en Ukraine éclaté – et la crise énergétique qui a suivi -, plusieurs responsables chrétiens-démocrates ont changé d’avis, se positionnant contre la fermeture des dernières centrales. Et Söder est l’un de plus bruyants.
    • En avril dernier, il a même avancé une proposition pour le moins audacieuse : transférer la compétence sur l’énergie nucléaire du gouvernement fédéral aux lands. Cela aurait permis à la Bavière de pouvoir toujours compter sur Isar 2 et ses 1495 MW – ce qui n’est plus le cas depuis quatre mois.
    • Si les trois partis au pouvoir lui avaient opposé une fin de non-recevoir, Söder avait été soutenu par quelques-uns des plus importants responsables des chrétiens-démocrates, dont leur président, Friedrich Merz. « L’idée vaut la peine d’être discutée », avait-il réagi.

Pour l’instant, aucun autre membre influent de la CDU/CSU n’a confirmé que les chrétiens-démocrates militeraient pour un retour au nucléaire dans le cadre des élections de 2025. Il est sans doute encore un peu trop tôt, les positions sur le sujet évoluant souvent, on l’a vu, au gré du vent. Toujours est-il que Söder a ouvert la brèche… et que, même s’il assure ne pas être intéressé pour l’instant, son nom est régulièrement cité comme candidat chrétien-démocrate à la chancellerie pour 2025.

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