Réforme du Code de développement territorial de Wallonie : qu’est-ce qui va changer pour l’immobilier, et pourquoi ça bloque à l’échelle locale ?

Réforme du Code de développement territorial de Wallonie : qu’est-ce qui va changer pour l’immobilier, et pourquoi ça bloque à l’échelle locale ?
Le plan wallon : densifier l’habitat urbain plutôt que de continuer à construire. (Photo by KURT DESPLENTER/BELGA MAG/AFP via Getty Images)

Notre pays est un des plus densément peuplés au monde, avec un bâti qui a jusqu’ici toujours été en croissance rapide ; ne dit-on pas que le Belge a une brique dans le ventre ? Sauf que c’est une habitude qui va devoir changer, en Wallonie : les terres « vierges » vont être considérées comme une ressource précieuse à sauvegarder, et c’en sera donc fini de construire à tout-va. Problème : rien n’est encore très clair à l’échelon local.

C’est quoi ? Le Code de développement territorial (CoDT) fixe les grands principes de l’aménagement du territoire en Wallonie, tandis que le Schéma de Développement territorial (SDT) précise comment la région compte parvenir à ses objectifs. Ces deux textes ont été remis à jour dans une réforme qui a été approuvée en 2ᵉ lecture en avril dernier.

  • Le plan peut se résumer en un mot d’ordre : la sacralisation des espaces naturels. Le nouveau CoDT vise à préserver au maximum les terres de l’artificialisation, et donc à lutter contre l’étalement urbain.
  • Alors que 11 km² de terrain non construit sont consommés chaque année, l’objectif du gouvernement est de réduire cette quantité d’ici 2030 pour arriver à 6 km² et à la « neutralité du bâti » d’ici 2050.
  • Cela passe aussi par maintenir le statut de zone d’activités économiques aux friches existantes à proximité des entreprises, afin que celles-ci puissent éventuellement s’étendre sans déménager. Par contre, les futurs permis d’implantations commerciales deviendront des permis d’urbanisme.
  • En outre, les fonctionnaires délégués de la Région pourront suspendre les permis qui ne prennent pas adéquatement en considération les risques naturels, en particulier les inondations. En clair : la Wallonie ne veut pas de nouvelles inondations catastrophiques comme en 2021 et veut prendre en compte les recommandations de la Commission d’enquête parlementaire sur les inondations.

Ce que ça change pour le citoyen et les entreprises

Comme on le rappelait plus haut, le Belge aime bâtir, et en premier lieu sa propre maison. Un signe de réussite typique du XXe siècle et encore très présent dans les esprits, mais qui se retrouve remis en question.

  • Vers la fin des maisons quatre façades en brique rouge, qui fleurissent le long de toutes les routes de Wallonie ? Le ministre wallon de l’Urbanisme et de l’Aménagement du territoire Willy Borsus nuançait au micro de La Première : « Ce n’est pas la fin, mais c’est en tout cas une série de démarches qui vise à économiser, à mieux gérer le territoire. […] Notre objectif est d’arriver à zéro artificialisation nette en 2050. »
  • Ce qui ne passe pas forcément par une interdiction de bâtir, mais aussi par la « déconstruction » de certaines surfaces abandonnées, rappelle le ministre. Le texte, toutefois, précise que d’ici 5 ans, 75% des nouvelles habitations devront être construites dans des « centralités », qu’elles soient urbaines ou péri-urbaines. Et l’offre de service devra y être densifiée en conséquence.
  • Or ces « centralités » doivent être définies par les communes selon leur situation locale. En clair, elles devront lister leurs agglomérations considérées comme telles, et elles auront 5 ans pour le faire. Sur quel critère ? Ça, on ne sait pas trop.
  • Quant aux terrains actuellement considérés comme « à bâtir », mais situés hors de ces centralités, ils devront être préservés, là aussi dans 75% des cas. Et là aussi on ne sait pas trop qui décidera des 25% d’exceptions.
  • La réforme porte aussi sur les espaces industriels : la Wallonie veut à tout prix éviter de voir de nouvelles zones agricoles ou naturelles être bétonnées, et cela passe là aussi par une densification du bâti. « On le voit dans le passé, très souvent, on a créé de nouvelles zones d’activités économiques sur des terres agricoles, et trop peu dans des zones qui étaient antérieurement des zones industrielles, aujourd’hui désaffectées » poursuit Borsus. « Il s’agit de ramener ces espaces vers de l’activité économique, en passant par la dépollution, sachant que la plupart d’entre eux sont admirablement situés, par exemple le long de voies d’eau. »

Et pourquoi ça coince dans les communes

Et qui va décider de ce qui est faisable et ce qui ne l’est pas ? Selon le texte, ça sera aux communes de décider, avec une série de critères à prendre en compte pour leur propre territoire, à mettre en place sur les cinq ans à venir. Si au terme de ces cinq années, il n’y a pas de décision communale, alors ce seront les propositions régionales qui s’appliqueront en fonction de critères bien sûr concertés et discutés avec les uns et les autres d’ici-là » poursuit le ministre wallon. Les conseils communaux sont appelés à remettre leur avis sur ce projet avant le 30 juillet, tandis que l’enquête publique auprès des citoyens reste ouverte jusqu’au 15 juillet.

  • Sauf que dans les communes, les grands projets de la Wallonie, on n’en veut pas forcément. Diverses localités se sont opposées au plan de réforme.
  • C’est le cas à Tournai, mais aussi à Bernissart, en province de Hainaut. En cause : la définition de « centralités », soit les lieux plus ou moins urbanisés où devront se concentrer l’essentiel des nouvelles constructions. « La définition ne tient pas compte des réalités de terrain ni des projets de développement pour lesquels les autorités régionales ont marqué un accord pour leur lancement » déplorait ainsi le collège communal de l’entité frontalière, fin juin dernier. Le système est considéré comme flou, et ont craint qu’il n’occasionne des coûts dans les communes à chaque fois qu’il faudra faire réviser les plans locaux.
  • En l’état, le grand plan de réforme territoriale de la Wallonie semble pavé de bonnes intentions, mais ni très clair ni très stable pour les acteurs concernés sur le terrain.
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