La Vivaldi continue de tâtonner. Le gouvernement fédéral s’est à nouveau réuni ce matin et cet après-midi pour discuter de la réforme fiscale. Les contours de celle-ci se précisent de plus en plus : on se dirige vers une « petite » réforme de 2 milliards d’euros qui devrait principalement être réalisée par l’abolition de la cotisation spéciale pour la sécurité sociale (CSSS). C’est en fait le plan qui figurait déjà dans le budget de l’année dernière. Du côté des recettes, on envisage d’augmenter la taxe sur les comptes-titres et de réduire d’autres déductions. Mais il se pourrait qu’il y ait encore quelques changements au niveau de la TVA : quelques régimes préférentiels pourraient être éliminés. Le plus important : le taux de 0% pour les journaux papier. C’est depuis des années, grâce au lobbying acharné des grands éditeurs de presse, le seul produit qui n’est pas soumis à la TVA. En 2015, ce régime préférentiel a failli être aboli lors du précédent tax shift. La grande question reste de savoir si tout cela tiendra. Ce week-end, il ne s’est pas passé grand-chose, car le dossier est plutôt bloqué par le MR de Georges-Louis Bouchez. Ils continuent à exiger des réformes sur le marché du travail.
Dans l’actualité : la Vivaldi passe à nouveau toute la journée en réunion sur la fiscalité.
Les détails : Il ne reste pas grand-chose des grands projets de Vincent Van Peteghem (cd&v), le ministre des Finances. Et en fait, ce n’est pas tout à fait surprenant. Dès l’année dernière, lors de l’établissement du budget en octobre, une « petite » réforme fiscale était le seul point sur lequel tout le monde convergeait.
- Sera-t-il possible de conclure cette semaine une refonte de la fiscalité ? La question est posée, et le gouvernement De Croo doit essayer d’en tirer quelque chose d’ici les vacances d’été. Les ambitions ont déjà été revues à la baisse.
- Au lieu d’une grande réforme qui aurait rapporté en moyenne plus de 800 euros par an à chaque travailleur belge, en réduisant considérablement les charges sur le travail, l’enjeu est aujourd’hui beaucoup plus petit. Le gâteau que le gouvernement doit préparer est maintenant réduit à environ 2 milliards d’euros, plutôt que les 5,6 milliards d’euros envisagés par Van Peteghem.
- Ce n’est pas vraiment surprenant. De nombreux partis ont toujours pensé que les ambitions de Van Peteghem n’étaient pas réalistes. Lors du grand débat budgétaire en octobre de l’année dernière, le Premier ministre n’était pas du tout enclin à soutenir les plans du ministre des Finances, qui ne figuraient pas non plus dans l’accord de gouvernement.
- Cela a également donné lieu à un jeu de « oui-non » entre les cabinets de De Croo et de Van Peteghem lors du discours sur l’état de l’Union. Le premier a souligné qu’il n’y avait pas d’accord à ce sujet, le second avait fait référence aux notifications de l’accord, qui mentionnaient le tax shift. Et en effet : l’abolition de la Contribution Spéciale à la Sécurité Sociale ou CSSS, avait déjà été notifiée à l’époque.
L’essentiel : « C’est six contre un. Exactement comme nous l’avions prédit », dit une source bien informée.
- Le week-end a commencé vendredi par le barbecue annuel chez De Croo. Le vice-premier ministre de l’Open Vld, Vincent Van Quickenborne, y a présenté son bébé, âgé de quelques mois. Le ministre de la Justice était également aux platines. Selon plusieurs sources, il y a même eu un petit pas de danse : une atmosphère détendue donc. « Un moment de détente rare. Peut-être qu’on ne le fait pas assez souvent, mais c’était un succès », précise un Vivaldiste libéral enthousiaste. Le selfie obligatoire du Premier ministre avec son gouvernement affichait en tout cas de nombreux sourires.
- Mais certains parlent tout de même d’un village Potemkine. « Une ambiance peu conviviale », a résumé un leader socialiste. « Il serait sans doute mieux de se réunir que de faire un barbecue. Parce qu’il y a beaucoup à faire », a déclaré Conner Rousseau, président de Vooruit, en adressant une petite pique au Premier ministre, sur VTM.
- Le scénario attendu pour le tax shift se déroule sous nos yeux : le MR fait obstruction. « C’est six contre un, au sein du gouvernement. Mais qu’attendiez-vous d’autre ? Cela concerne le cœur de métier des libéraux : les taxes », résume une source de haut niveau.
- Du côté des « gagnants » du tax shift, il y a toujours les salariés, avec ce CSSS qui s’en irait. Le bonus à l’emploi, un stimulant pour les travailleurs, pourrait également augmenter, permettant aux bas et moyens revenus de le ressentir un peu plus. Mais les montants dont bénéficieraient les travailleurs sont beaucoup plus petits que les 800 euros annoncés. Le MR insiste fortement pour faire quelque chose pour les travailleurs indépendants, leur électorat, qui pour certains ont déjà dû subir la réforme des droits d’auteurs.
- Du côté des nouvelles taxes pour compenser le tax shift, l’accent est mis sur la fortune. Il y a l’augmentation de la taxe sur les comptes-titres et une réduction supplémentaire de la déduction des revenus définitivement taxés (RDT) pour les entreprises. Ce dernier est un régime fiscal favorable pour les entreprises qui investissent dans des actions d’autres entreprises, et vise à éviter une double imposition.
- Le MR a d’autres plans : ils exigent qu’une partie des revenus provienne de réformes sur le marché du travail. Leur ancienne demande, qu’ils ont répétée à plusieurs reprises, à savoir de limiter les allocations de chômage dans le temps, n’est cette fois pas sur la table. Il s’agit plutôt d’étendre les flexi-jobs, un régime qui permet à l’employeur de ne payer que 25% de cotisations patronales. « La question est de savoir si cela suffira pour Bouchez, qui a quand même survécu à la tempête autour de la ministre des Affaires étrangères Hadja Lahbib (MR) », a déclaré une source de haut niveau.
- La question demeure de savoir jusqu’où chaque parti est prêt à aller, une semaine après la crise autour de Lahbib. On se rappellera que le PS et Ecolo n’étaient pas prêts à risquer la chute du gouvernement, et Vooruit encore moins. Sur VTM, Rousseau a tenté timidement de remettre un peu de pression : « Si l’on a atteint le point de rupture, où ce gouvernement n’arrive plus à rien faire, alors il faut aller voir l’électeur ». Pourtant, aucun parti ne semble vouloir débrancher la prise.
- « Le plus grand dommage de l’absence de réforme, ou d’une réforme minimale, est encore une fois pour le Premier ministre, qui ne parvient à rien, et pour son ministre des Finances Van Peteghem, qui voulait construire son palmarès », résume une source gouvernementale.
L’actualité : Les grands éditeurs vont-ils finalement payer la TVA ?
- La grande réforme de la TVA, qui devait rapporter 1 milliard d’euros aux plans de Van Peteghem, est complètement abandonnée. Ni les socialistes, ni le MR ne veulent que la TVA sur les produits de base soit augmentée de 6 à 9 %.
- Cependant, certains régimes préférentiels pourraient disparaître. Le plus important d’entre eux : la TVA sur les journaux, qui est toujours à zéro, le seul produit en Belgique à bénéficier de ce taux. Après que l’Open Vld, avec Van Quickenborne, a durement lutté l’année dernière pour raboter le contrat presse (via Bpost) lors de l’établissement du budget, les autres mesures en faveur des grandes entreprises médiatiques sont maintenant dans le viseur.
- Les montants ne sont pas négligeables : pour l’heure, l’État belge perd environ 150 millions d’euros de revenus TVA. En 2015, lors du tax shift sous le gouvernement suédois, la suppression de ce taux préférentiel était également sur la table. Sous la forte pression des éditeurs de presse, en coulisses, cette proposition avait finalement été abandonnée. Pourtant, cela a posé des problèmes : les journaux numériques étaient eux bel et bien taxés à 21 %. Finalement, le taux sur les abonnements numériques a également été réduit à 0 %. Il est donc probable que ce taux augmentera lui aussi.
- « Les entreprises médiatiques ont apparemment fait du lobbying intense par le passé pour maintenir ce régime favorable. Mais ce n’est plus d’actualité. Les taxes sont aussi une question d’équité, tout le monde doit payer sa part », déclare une source au sein du kern.
Entre les lignes : L’accord entre Engie et la Vivaldi ne règle pas tout. Il reste un litige de 2 milliards d’euros.
- Thierry Saegeman, le CEO d’Engie-Electrabel, affichait un sourire radieux la semaine dernière aux côtés de la Vivaldi : les centrales nucléaires allaient pouvoir fonctionner à temps pour éviter un problème d’approvisionnement. Le fait que Saegeman ait déclaré en 2022 devant la Chambre qu’il était « trop tard » pour entreprendre des travaux et commander du combustible, a été complètement balayé.
- Mais tout semble ne pas être réglé : La Libre rapporte un sérieux coup au récit de la Vivaldi et d’Engie sur l’accord nucléaire. Celui-ci prévoit le paiement par Engie de 15 milliards d’euros pour le stockage des déchets nucléaires. Mais il faut également payer pour le démantèlement futur des centrales.
- En fait, l’accord ne couvre pas le passif d’Engie et donc le démantèlement des centrales : l’énergéticien a déjà provisionné 8 milliards d’euros, et ce montant pourrait être revu à la hausse tous les trois ans.
- Et c’est là qu’Engie s’est violemment heurté la Commission pour les Provisions Nucléaires (CPN), le gendarme qui évalue tous les trois ans si Engie a mis suffisamment d’argent de côté pour respecter ses obligations nucléaires.
- Cette CPN voulait qu’Engie paye 2 milliards de plus pour le démantèlement. Engie n’était pas d’accord et a menacé de saisir le tribunal.
- Et cela n’a apparemment pas été réglé dans l’accord, selon La Libre. « Cette question ne fait pas partie de l’accord », explique une porte-parole d’Engie au journal.