Contrairement à ce que leur nom laisse entendre, les terres rares ne le sont pas tellement. Le néodyme, par exemple, est le 27e élément le plus courant dans la croûte terrestre, loin devant le mercure (67e) et l’or (75e), rappelle IFLscience. Le problème, c’est ce que le métal qui, ajouté en de petites quantités au fer permet de créer de très puissants aimants, n’est guère aisé à séparer d’autres matériaux. Mais selon une étude publiée dans Nature, l’extraction de ces minerais pourrait être facilitée par de petites alliées inattendues.
Des scientifiques de l’Université d’État de Pennsylvanie ont découvert que certaines bactéries étaient très douées non seulement pour reconnaître certains métaux, mais aussi pour les séparer des autres composés environnants. Ce qui est d’autant plus intéressant dans la recherche des terres rares, qui ont la particularité de ne pas exister à l’état pur. Il n’y a pas de pépite de néodyme ou de dysprosium, mais des quantités infimes de ces métaux dans d’autres métaux.
Une petite bactérie du chêne anglais
« La biologie parvient à différencier les terres rares de tous les autres métaux existants, et maintenant, nous pouvons voir comment elle différencie même les terres rares qu’elle trouve utiles de celles qu’elle ne trouve pas. Une fois extraites, il faut séparer plusieurs terres rares les unes des autres. C’est là le défi le plus important et le plus intéressant : faire la distinction entre les différentes terres rares, parce qu’elles sont tellement semblables. »
Docteur Joseph Cotruvo, professeur associé de chimie à Penn State, dans un communiqué
Un procédé qui, bien souvent, fait appel à des solvants chimiques particulièrement toxiques. Mais les bactéries offrent une alternative très intéressante. Il y a six ans, Cotruvo et ses collègues ont isolé une protéine qu’ils ont appelée lanmoduline à partir de bactéries méthylotrophes. Ils ont découvert qu’elle se liait plus de 100 millions de fois plus fortement aux terres rares qu’aux métaux plus courants.
Un premier allié biologique utile, mais qui a pu encore être raffiné. L’équipe a découvert que la lanmoduline bactérie Hansschlegelia quercus, que l’on trouve dans les bourgeons de chêne anglais, était capable non seulement de différencier les terres rares, mais aussi de les séparer, en se liant seulement à certaines terres rares, en particulier les plus légères.
Concurrencer la Chine
« C’était surprenant, car ces métaux sont de taille très similaire. Cette protéine a la capacité de faire la différence à une échelle inimaginable pour la plupart d’entre nous : quelques trillionièmes de mètre, soit une différence inférieure à un dixième du diamètre d’un atome. La manière dont les bactéries en bénéficient n’est pas claire. Mais en optimisant davantage ce phénomène, une séparation efficace des terres rares qui se trouvent juste à côté les unes des autres dans le tableau périodique pourrait être à portée de main. »
Joseph Cotruvo
On pourrait ainsi séparer aisément le néodyme de son cousin le dysprosium par exemple, les deux métaux ayant des usages distincts dans les aimants, en aéronautique, ou dans l’imagerie médicale. De quoi réduire fortement les coûts, et surtout contrebalancer la dépendance actuelle des pays occidentaux à la Chine. Car c’est le seul pays assez laxiste dans ses normes environnementales pour séparer à l’échelle industrielle ces métaux avec des solvants chimiques toxiques.