Le richissime État pétrolier du Moyen-Orient cherche à diversifier ses revenus dans un monde voué à s’appuyer de moins en moins sur les énergies fossiles, et mise désormais sur ses chevaux sportifs en attirant des stars internationales. Une stratégie qui risque de détourner le regard de son terrible bilan en matière de droits humains.
Zoom avant : Selon la chaîne espagnole Cadena SER, l’Arabie saoudite aurait offert au footballeur Lionel Messi 500 millions d’euros par an pour rejoindre son championnat national.
- Il s’agit de la dernière mesure d’une série prise par les dirigeants saoudiens qui investissent depuis quelque temps des milliards d’euros dans le sport, l’art et la musique.
- En fin d’année 2022, le joueur Cristiano Ronaldo avait ainsi signé un contrat avec le club Al-Nassr FC, évalué à 200 millions de dollars par an.
- Un peu plus d’un an auparavant, le Fonds d’investissement public d’Arabie saoudite a mené un consortium pour l’acquisition du club Newcastle en Premier League anglaise, pour un montant dépassant les 373 millions de dollars.
- L’Arabie saoudite a également des ambitions pour accueillir la Coupe du monde de la FIFA 2030 avec une candidature conjointe après le succès de l’édition au Qatar, son pays voisin.
- Et elle élargit ses horizons hors du football : l’an dernier, l’État pétrolier a envisagé d’acquérir la Formule 1 auprès du propriétaire américain Liberty Media pour 20 milliards de dollars – une tentative qui est tombée à l’eau, rapportait Bloomberg.
- L’Arabie saoudite espère ajouter à son tableau de chasse un autre « sport de riches », le golf, avec une tournée des stars à plusieurs milliards de dollars, mais aussi la boxe, pour varier les plaisirs.
Zoom arrière : Le pays dépense à tout va pour renforcer sa présence et son influence sur la scène internationale, et attirer au passage un secteur touristique haut de gamme.
- « Il s’agit d’une réorientation complète du royaume. Ils veulent convaincre les gens qu’il s’agit d’une terre d’accueil et non d’une terre menaçante« , explique à Bloomberg Kristin Smith Diwan, chercheuse à l’Institut des États arabes du Golfe à Washington.
- Le sport est un des secteurs phares pour y parvenir, comme on l’a vu plus haut : « Le sport est essentiel à l’évolution de l’Arabie saoudite vers un monde moins dépendant des revenus du pétrole » confirme à l’agence de presse Simon Chadwick, professeur de sport et d’économie géopolitique à la Skema Business School de Paris.
- Grâce à ces investissements massifs dans le sport mais aussi dans la culture, le divertissement et l’industrie des loisirs de luxe, l’Arabie saoudite espère attirer d’ici à 2030 pas moins de 100 millions de visiteurs par an, pour que le tourisme représente alors 10% de son PIB. À titre de comparaison, le royaume a accueilli environ 16 millions de visiteurs l’an dernier.
Sous le radar : Cette nouvelle stratégie économique de l’Arabie saoudite pourrait distraire de son bilan déplorable en matière de droits de l’homme.
- « Je me réjouis de ces changements, mais ils donnent une fausse impression de notre pays« , déclare à Bloomberg Lina Al-Hathloul, responsable de la surveillance et de la défense des droits de l’homme au sein de l’association ALQST.
- Elle souligne que lorsque cette stratégie de « soft power », qui consiste à utiliser la culture, le sport et les arts pour améliorer la réputation du prince héritier et attirer les investisseurs occidentaux, aura porté ses fruits, « les allégations de violations que nous signalons ne seront plus efficaces ».
- En 2022, les autorités saoudiennes ont ciblé des défenseurs des droits de l’homme, prononçant de lourdes peines de prison à leur encontre de ceux pour avoir exprimé leurs opinions contraires au régime sur les réseaux sociaux, a dénoncé Human Rights Watch.
- Les abus dans les centres de détention, incluant la torture et les mauvais traitements, ainsi que la détention prolongée et la confiscation de biens sans procédure juridique restent fort répandus.
- Les réformes législatives annoncées en faveur des droits humains sont généralement discréditées par une répression généralisée menée sous l’autorité du prince héritier Mohammed ben Salmane.
- Cette mauvaise réputation pourrait toutefois desservir ses plans, si tant est que des sportifs quelque peu militants des droits humains ont l’audace de s’en prendre au régime : ce fut par exemple le cas, en F1, des champions du monde Lewis Hamilton et Sebastian Vettel… Avec des moyens détournés, comme des T-shirts et casques en faveur du mouvement LGBTQ. Rien qui ne puisse vraiment entraver les projets faramineux saoudiens pour le moment.