Offensive de charme : l’UE veut éloigner quatre pays de l’axe russo-chinois

L’UE veut à nouveau vendre du rêve, et accessoirement acheter du gaz et du pétrole, bien au-delà de ses frontières. Un mémo interne révèle une volonté de se positionner comme un pôle géopolitique distinct, et surtout de s’opposer à l’influence russe et surtout chinoise auprès des puissances régionales.

Pourquoi est-ce important ?

Si, en Europe, le soutien à l'Ukraine fait à peu près l'unanimité, ça n'est pas le cas partout : d'autres pays gardent des liens avec la Russie, qu'ils soient dus à une histoire commune, à une certaine proximité géographique, ou à une défiance à l'encontre de l'Occident en général et des États-Unis en particulier.

Dans l’actualité : selon un mémo interne qu’a pu consulter Euractiv, l’UE veut renforcer ses relations avec quatre pays, considérés pour l’instant comme proche de la Russie et/ou susceptibles de céder aux sirènes chinoises : le Brésil, le Chili, le Nigeria et le Kazakhstan

  • « Nous nous trouvons dans un environnement géopolitique compétitif : non seulement une bataille de récits, mais aussi une bataille d’offres » mentionne le document, diffusé en début de semaine par le service diplomatique de l’UE. « Nous devons améliorer notre offre et renforcer notre relation avec eux. »
  • Le sujet a été abordé ce lundi lords de la réunion des ministres des Affaires étrangères de l’UE, à Luxembourg. De même, d’ailleurs, que la dégradation des relations avec la Chine en général, et les déclarations polémiques e son ambassadeur en France en particulier.

Charmer les puissances régionales

Les pays listés dans ce mémo n’ont pas été choisis au hasard : ils ont tous un rôle à jouer dans l’équilibre économique et énergétique futur de l’Europe, en particulier si celle-ci veut prendre ses distances durablement avec la Russie, mais aussi la Chine.

Nigeria : ce pays d’Afrique de l’Ouest de 213 millions d’habitants dispose de réserves de gaz naturel qui pourraient largement contribuer à étancher la soif énergétique de l’Europe dans les années à venir. C’est aussi un marché non négligeable pour l’exportation européenne, car ce pays est le plus peuplé d’Afrique et le sixième pays du monde par son nombre d’habitants, et pourrait bien rafler la seconde place à la Chine d’ici 2100.

Kazakhstan : issu de la dislocation de l’URSS, ce pays a longtemps entretenu une relation privilégiée avec la Russie. Mais depuis que celle-ci est intervenue pour réprimer un début de révolte provoqué par la hausse des prix, et surtout depuis l’invasion de l’Ukraine, ce lien s’effiloche. Comme si Astana craignait de suivre Kiev sur la liste. Le pays est en outre très riche en gaz et en pétrole et a bien compris qu’il pouvait profiter des embargos sur les énergies fossiles russes.

Brésil et Chili : deux pays d’Amérique latine généralement considérée comme la région « la plus en phase avec nos valeurs et nos objectifs », selon un haut diplomate de l’UE cité par Euractiv. Les deux pays ont en effet rejeté les candidatures de leaders populistes lors de leurs dernières élections présidentielles respectives – malgré ce qui ressemblait fort à une tentative de coup d’État bolsonariste au Brésil. Et accessoirement, ils sont riches en ressources naturelles. L’enjeu est d’autant plus grand toutefois que, par rejet de Washington, Moscou garde une certaine aura dans la région, jusqu’aux oreilles du président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva. « Le gouvernement actuel montre des signes de volonté d’intensifier la coopération », peut-on toutefois lire, surtout en comparaison au leader précédent.

Ces quatre pays sont qualifiés de « groupe pilote » pour l’influence que veut se donner l’Europe, en mettant l’accent sur la carotte plus que sur le bâton. Autrement dit, créer des accords constructifs motivés par des idées démocratiques et une même vision de la sécurité globale – au bénéfice du commerce, mais aussi d’accords politiques sur l’immigration.

Plus