« Non à la démondialisation et au protectionnisme »: Scholz plaide pour le marché libre (et pour la Chine)

Lors d’une conférence économique à Singapour, le chancelier allemand Scholz a plaidé pour renforcer les liens avec la Chine, tout en se diversifiant en Asie. Il condamne la démondialisation et des mesures de protectionnisme « déguisées ». Le ministre allemand de l’Économie nuance fortement : « nous sommes ouverts à la Chine, mais nous ne sommes pas stupides. »

Pourquoi est-ce important ?

Avec la pandémie et la guerre en Ukraine, il y a des risques de démondialisation et de transition vers un monde divisé en deux blocs géopolitiques et commerciaux bien distincts.

Dans l’actu : Olaf Scholz, chancelier de la République fédérale d’Allemagne, s’est exprimé lundi à la Asia-Pacific Conference of German Business, un sommet économique à Singapour (sorte d’étape avant le G20 à Bali). Un plaidoyer pour le commerce libre et contre le protectionnisme.

  • « Le commerce libre et équitable profite à toutes les parties concernées. Il reste le fondement de notre prospérité », lance-t-il, cité par CNBC. Il a d’ailleurs partagé la tribune avec Lawrence Wong, vice-premier ministre de la cité-Etat.
  • Le chancelier explique qu’il veut continuer à approfondir les liens économiques avec la Chine, mais aussi l’Asie en général, afin de se diversifier. Mais il ne faut pas entendre « diversification » comme un « découplage » de la Chine.
  • Ni la confondre avec des concepts de ramener ou de rapprocher des sites production vers son propre pays, d’autosuffisance ou de démondialisation, souligne-t-il. « Souvent, ce n’est que du protectionnisme déguisé », prévient Scholz.
  • Il ajoute : « La démondialisation n’est une option pour aucun d’entre nous ».
  • « Du point de vue de Singapour, nous encourageons une meilleure diversification. Nous sommes tous en faveur d’une plus grande résilience, mais nous mettons en garde contre les règles qui nous conduiraient vers un monde plus fragmenté… car cela nous laissera tous dans une situation plus difficile », plaide aussi Wong, qui demande aux États-Unis et à la Chine de trouver une manière de coexister dans une optique de concurrence pacifique.

Le contexte : vers la démondialisation ?

  • Avec la guerre en Ukraine, des craintes qui sont apparues que le monde pourrait, à nouveau, se séparer en deux blocs, avec d’un côté la Chine et la Russie, et de l’autre les États-Unis et leurs alliés. Les chaines d’approvisionnement mondiales seraient ainsi réorientées pour rester au sein d’un même bloc.
  • La tendance date en réalité de la pandémie. Avec les confinements et la relance massive post-covid, les chaines d’approvisionnement n’ont pas pu suivre pour de nombreux produits. Le modèle de l’Asie et de la Chine comme manufacture du monde a été remis en question. Les États-Unis et l’Europe ont par exemple lancé des plans pour accroître massivement la production de puces électroniques sur leur sol.
  • Cette démondialisation se constate déjà dans le commerce mondial selon une étude de la Hinrich Foundation : des mots comme « friend-shoring », ou relocalisation vers des nations amies, sont apparus dans le lexique des politiques commerciales des États-Unis, entre autres. Un concept vague qui peut avoir un impact sur le commerce.
    • « Si les gouvernements cherchent à intervenir dans une chaîne d’approvisionnement, ils doivent faire valoir qu’ils observent les risques mieux que les entreprises. Mais il est difficile de savoir quelle défaillance du marché les politiques de « délocalisation amicale »friend-shoring » permettront de corriger sans fragmenter davantage le système commercial mondial », peut-on lire.
  • « La réalité est que nous nous dirigeons vers un monde multipolaire, caractérisé par une grande diversité d’intérêts qui se chevauchent », constate aussi Wong, qui ajoute que les pays d’Asie du Sud-est ne veulent pas être forcés à rejoindre un camp.
  • C’est dans ce sens que le sommet du G20 à Bali sera crucial. Ce sera l’occasion pour les pays de rappeler aux deux premières puissances économiques « de s’engager pour la coopération mondiale », plaide aussi Ngaire Woods, doyen de la Blavatnik School of Government de l’Université d’Oxford à cette même conférence.

Le détail : Un tout autre discours de la part du ministre de l’Économie, Habeck.

  • La relation économique de l’Allemagne avec la Chine est sous le feu des critiques, en Europe. Le pays est accusé de devenir trop dépendant de Pékin. La vente de parts du port de Hambourg à une société chinoise et la visite de Scholz, avec une importante délégation commerciale, à Pékin, ont fait couler beaucoup d’encre ces dernières semaines.
  • Juste après ces affaires, le ministre fédéral de l’Économie, Robert Habeck, a refusé la vente d’une usine allemande de semi-conducteurs à un acteur chinois, la semaine dernière. « Nous ne sommes pas naïfs », justifiait-il.
  • Ce lundi, à Singapour aussi, il revient à la charge. « Nous sommes un marché ouvert. Cela ne veut pas dire que nous sommes un marché stupide, donc nous devons être prudents », explique-t-il à CNBC.
  • Même s’il n’y a « rien de mal » avec les investissements chinois en Allemagne, ou l’inverse, l’écologiste reste sur ses gardes. « Un partenaire qui a l’air fiable peut vite devenir celui qui vous la fait à l’envers » – une leçon qu’il a apprise de la guerre en Ukraine. Ainsi, il scrutera très méticuleusement les investissements chinois dans la santé, les puces, les télécommunications et les infrastructures importantes, comme les ports (une pique envers son chancelier). Dans tous les cas, il restera « sceptique », ajoute-t-il.
  • Un fort contraste entre le chancelier et le vice-premier ministre. La Chine restera un sujet de discorde au sein de la coalition.
Plus