L’institution censée être la plus à même de prévoir l’inflation, la Banque centrale européenne, s’est cruellement trompée ces derniers mois. C’est ce qui ressort de ses propres révisions.
S’il y a une organisation qui devrait être capable de prédire correctement l’inflation, c’est bien la BCE. Selon ses propres statuts, assurer la stabilité des prix dans la zone euro est son principal objectif. Mais la banque centrale a prouvé à maintes reprises qu’elle sous-estimait la hausse des prix.
En juin, la BCE prévoyait encore une inflation de 6,8 % cette année et de 3,5 % en 2023 dans la zone euro. À peine trois mois plus tard, sur la base des données économiques reçues au cours des derniers mois, ses propres prévisions ont été sérieusement revues à la hausse : 8,1 % pour cette année et 5,5 % pour 2023. Moins d’un trimestre plus tard, les prévisions antérieures se révèlent déjà pratiquement sans valeur.
Cependant, le département de recherche du siège de Francfort, en Allemagne, compte plus de 40 économistes hautement qualifiés et une douzaine de gestionnaires. Leurs modèles statistiques sont alimentés par de nombreux indicateurs prédictifs. Pourtant, Francfort n’a guère d’autre choix que d’admettre que ses prévisions ne sont pas plus précises – et peut-être même moins – que les meilleures suppositions.

Plus rapide pour intervenir
Il existe quelques circonstances atténuantes : les prévisions fonctionnent mieux dans une économie qui évolue progressivement. Cependant, ces derniers mois, les chocs énergétiques se sont succédé. Cela ne change rien au fait qu’en juin, la BCE a mal évalué l’impact de la guerre en Ukraine sur l’inflation européenne.
La présidente Christine Lagarde a souligné jeudi, dans son explication de la hausse de 75 points de base des taux d’intérêt, qu’il n’y a pas de cap politique fixe et que les prochaines décisions sur les taux d’intérêt seront prises sur la base des chiffres macroéconomiques entrants. En d’autres termes, la BCE veut être plus rapide et rendre sa politique moins dépendante de ses propres prévisions, ce qui la rendra également moins prévisible.
« Il est clair que la BCE a abandonné le ciblage et la prévision de l’inflation et a rejoint le groupe des banques centrales qui se concentrent sur la réduction de l’inflation réelle », écrit Carsten Brzeski, économiste chez ING, dans une analyse. « Il ne s’agit pas tant d’une nouvelle stratégie fondée sur la conviction, mais plutôt d’une stratégie fondée sur l’absence d’alternatives. »
(JM)