Vladimir Poutine a ordonné jeudi une augmentation drastique de la taille de l’armée. 137.000 nouvelles recrues doivent rejoindre, d’ici la fin de l’année, les 1,15 million de soldats, soit une augmentation des effectifs de 13%. Plus facile à dire qu’à faire.
L’armée ukrainienne estime que depuis le début de l’invasion, la Russie a déjà perdu 184.000 soldats : 45.000 sont morts au combat, 137.000 autres ont été blessés et un millier ont été faits prisonniers. Les États-Unis avancent des chiffres plus modérés : selon le Pentagone, 80.000 Russes ont été tués ou blessés au combat.
Le fait que la Russie elle-même cite des chiffres encore plus bas ne devrait pas surprendre : fournir des données précises sur des situations embarrassantes n’est pas exactement un principe de base dans une dictature autoritaire. En mars, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a annoncé que 1.351 Russes avaient été tués, un chiffre que les médias russes ont depuis fait gonfler jusqu’à 6.000 morts. « Nous avons une perte significative de soldats, c’est une tragédie pour nous », expliquait alors Peskov.
Aucune solution
Pour compenser ces pertes, Poutine veut recruter 137.000 nouveaux soldats. Mais ‘origine de ces nouvelles recrues et la manière dont il compte les obtenir ne sont pas claires. La Russie pourrait essayer de recruter davantage de volontaires (selon le Kremlin, chaque soldat russe en Ukraine y combat volontairement), ou elle pourrait étendre la mobilisation. Ce qui risquerait toutefois de susciter le mécontentement de la population, et la mobilisation ne semble pas non plus être une bonne idée au sein de l’armée : le moral des volontaires est déjà en dessous de tout, et le fait que des civils ordinaires doivent soudainement prendre les armes ne semble pas être de nature à le remonter immédiatement.
Divers analystes militaires russes, dont le colonel à la retraite Viktor Murakhovsky, soupçonnent donc Poutine de vouloir essayer de recruter davantage de volontaires. Mais des problèmes se posent également avec ceux-ci, comme le souligne l’analyste militaire Alexei Leonkov. « La formation au maniement des armes modernes et complexes dure environ trois ans. Les recrues ne servent qu’un an. Le recrutement ne résoudra donc pas ce problème », a déclaré Leonkov, cité par l’agence de presse russe Ria Novosti.
De la chair à canon
Sur Twitter, Eliot Cohen, professeur à l’université Johns Hopkins, souligne que le simple recrutement de soldats supplémentaires n’est pas non plus la solution : « Il sera intéressant de voir où Poutine se procure (a) les officiers, (b) les spécialistes et (c) les recrues elles-mêmes. » Les deux premiers en particulier sont importants : donner une arme à un Russe et lui apprendre à tirer est une chose, mais remplacer les cadres qui sont morts en Ukraine en est une autre.
La Russie n’est pas très économe de ses officiers et de ses spécialistes en Ukraine. Des dizaines d’officiers de haut rang et des centaines d’officiers de rang inférieur sont déjà morts au combat. Les troupes d’élite – comme les parachutistes du VDV (Vozdushno-desantnye voyska Rossii, les troupes aéroportées russes) – ont également été utilisées, surtout au début du conflit, comme chair à canon, notamment autour de l’aéroport d’Hostomel, près de Kiev. Remplacer simplement ces unités par des nouveaux volontaires russes ne sera pas une tâche facile, et à court terme, impossible.
MB