Akkuyu, la première centrale nucléaire de Turquie, est actuellement en construction dans le sud du pays. Elle devrait à terme produire environ 10 % de l’électricité turque. Mais cela risque de rendre le pays encore plus dépendant de la Russie, qui finance en grande partie le projet.
En effet, 93 % du financement du projet, qui coûtera quelque 20 milliards d’euros, est assuré par Akkuyu Nuclear JSC, une filiale de Rosatom, l’agence nationale russe pour l’énergie nucléaire. Akkuyu Nuclear JSC construit actuellement la centrale et l’exploitera également après son achèvement. Cette décision a été prise en 2010 suite à un accord entre les deux pays.
Au total, la centrale nucléaire comptera quatre réacteurs, qui fourniront environ 4.400 mégawatts (MW) d’électricité. Les travaux sur le premier réacteur, Akkuyu 1, ont débuté en 2018, et les ingénieurs ont commencé à mettre en place Akkuyu 2 en 2020. Tous les réacteurs devraient être achevés vers 2026, après quoi la centrale pourra commencer à produire de l’électricité.
Des dollars pour Erdogan
Toutefois, depuis que la Russie a envahi l’Ukraine en février 2022, les deux pays craignent que les sanctions occidentales ne rendent le travail difficile. Rosatom tente désormais d’éviter cela en transférant des milliards de dollars de fonds à Akkuyu Nuclear JSC.
Selon des responsables turcs ayant connaissance du dossier, Rosatom a déjà transféré environ 5 milliards de dollars la semaine dernière, rapporte Bloomberg. Deux autres paiements similaires suivront au cours des deux prochaines semaines.
Rosatom, cependant, nie que la somme soit aussi élevée, mais ne souhaite pas faire d’autres commentaires.
La dépendance de la Turquie s’accroît
Il est essentiel que la centrale nucléaire devienne opérationnelle pour fournir suffisamment d’énergie à la Turquie. Et cela profite à Poutine : après tout, le président turc Recep Tayyip Erdogan a refusé à plusieurs reprises d’imposer des sanctions à la Russie.
Outre l’énergie nucléaire, le pays est dépendant de la Russie à d’autres égards, et ne peut donc pas se permettre d’offenser le Kremlin. L’année dernière, par exemple, la Turquie a importé environ 25 % de son pétrole et jusqu’à 45 % de son gaz naturel de Russie. Avec une centrale nucléaire, la Turquie deviendra encore plus dépendante de son voisin du nord.
Les deux pays travaillent également sur un mécanisme qui permettrait à la Turquie d’effectuer une partie de ses achats d’énergie en lires turques. C’est ce qu’a annoncé jeudi la banque centrale du pays.
Mais les relations entre les deux pays sont néanmoins tendues : ces dernières années, la Turquie s’est alliée aux ennemis de la Russie dans des conflits en Syrie, en Azerbaïdjan et même indirectement en Ukraine. Après tout, une société dirigée par le gendre d’Erdogan a déjà fourni des dizaines de drones armés à l’armée ukrainienne.
(JM)