Une proposition de l’UE visant à classer le lithium, un composant essentiel des batteries des véhicules électriques, comme « toxique » serait pernicieuse pour la compétitivité européenne. C’est du moins l’avis de sept organisations de l’industrie métallurgique.
Dans une lettre ouverte envoyée cette semaine aux responsables politiques de l’UE, sept organisations de métallurgistes ont exprimé leur « profonde inquiétude » à propos d’une proposition de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA). La pomme de discorde est la suggestion de l’ECHA, basée à Helsinki, de classer le lithium comme « toxine reproductible de catégorie 1A », évoque le Financial Times.
L’Europe risque donc de se laisser distancer encore davantage par la Chine dans la course aux métaux rares, prévient Eurometaux, un groupe représentant notamment certains des plus grands producteurs européens du secteur.
Mauvais pour la fertilité ?
La proposition d’étiqueter le carbonate, l’hydroxyde et le chlorure de lithium comme des substances nocives pour la fertilité et peuvent nuire aux enfants à naître a été soumise à la Commission européenne au début de l’année. Elle est actuellement à l’étude, et une décision politique finale est attendue fin 2022 ou début 2023.
Dans leur lettre, les organisations métallurgiques suggèrent que les preuves scientifiques sont « trop faibles » pour « justifier » une classification aussi stricte. Un tel label aurait également des répercussions importantes sur les objectifs du contrat vert européen pour les véhicules électriques, les batteries et les matières premières stratégiques.
« Une classification injustifiée des sels de lithium (…) apportera de l’incertitude aux entreprises qui cherchent à faire des investissements à long terme dans la capacité de raffinage et de recyclage de l’Europe », continue le document.
La transition énergétique en question
Depuis des décennies, l’Union européenne renforce ses règles en matière d’environnement et de climat. Bruxelles veut rendre l’ensemble du continent neutre en carbone d’ici le milieu du siècle. Dans le même temps, la bureaucratie européenne vise à obtenir la meilleure protection du monde contre la pollution environnementale.
La transition énergétique et la décarbonation de l’industrie manufacturière et des centrales électriques impliquent un déploiement massif des sources d’énergie renouvelable, notamment des parcs solaires et éoliens. Mais ces dernières, dépendantes d’un élément aussi capricieux que la météo, ne peuvent pas fournir de l’énergie en continu. Dans un monde qui dépend de plus en plus des sources d’énergie verte, les techniques de stockage de l’énergie vont donc devenir particulièrement importantes. C’est pourquoi l’UE compte beaucoup sur les batteries.
Son rôle central dans la chaîne de production des batteries des véhicules électriques a conduit à l’ajout du lithium à la liste des matières premières essentielles de l’UE d’ici 2020. Ce métal, qui provient d’Amérique du Sud ou d’Australie, ne dispose actuellement d’aucune raffinerie commerciale en Europe.
Les fabricants européens de batteries sont donc presque entièrement dépendants de l’approvisionnement de la Chine, qui produit plus de 90% du lithium raffiné dans le monde. En bref, c’est toute la transition énergétique européenne qui serait mise en péril par une éventuelle classification du lithium comme matière toxique.
« C’est déjà assez difficile comme ça »
James Ley, du groupe de consultants Rystad Energy, a déclaré que cette classification éventuelle était « diamétralement opposée » à l’objectif de l’UE de ne vendre que des voitures à émissions de CO2 nulles d’ici 2035. « C’était déjà assez difficile sans imposer de restrictions supplémentaires à la production nationale de lithium », a-t-il déclaré, cité par le FT.
MB