Le président de l’Autorité de la sûreté nucléaire dresse le portrait des récents arrêts de réacteurs en France. La moitié des réacteurs est hors service et le sera pendant plusieurs années. Une très mauvaise nouvelle dans le contexte de crise énergétique, tant pour la France que pour l’Europe.
Une saga qui avait tenu en haleine le marché de l’électricité français et européen, tout l’hiver passé. Un à un, des réacteurs nucléaires français ont dû être mis à l’arrêt, à cause de problèmes de corrosion détectés sur plusieurs réacteurs et de travaux d’inspection sur d’autres. En janvier, rationner l’électricité et couper le courant localement était une option sérieusement envisagée.
Maintenant que l’hiver est passé, les risques sont moins criants, mais la production d’électricité reste en deçà des normes. Mardi, le président de l’Autorité de la sûreté nucléaire (ASN), Bernard Doroszczuk, est venu doucher tout espoir de reprise normale. Devant le Sénat français, il a indiqué que les réparations des réacteurs vont prendre plusieurs années.
Impacts qui vont très loin
Cette annonce a une ampleur énorme. Autant en France que partout en Europe. Pour comprendre l’impact de cette annone, il faut d’abord analyser l’impact sur le parc nucléaire français :
- En France, il y a actuellement 28 réacteurs à l’arrêt.
- Les problèmes de corrosion touchent 12 de ces 28 réacteurs, relate BFM Business.
- Le problème devrait rester limité à ces 12 réacteurs : les réacteurs à 900 mégawatts, qui sont les plus répandus sur le parc (représentant 32 réacteurs sur 56), ne montrent pour l’instant pas de traces de corrosion. Voilà une première bonne nouvelle, tout de même.
- 28 réacteurs à l’arrêt, c’est pile la moitié des réacteurs existants – du jamais vu. Voilà la mauvaise nouvelle.
- Ils resteront à l’arrêt pendant plusieurs années, reconnaît EDF.
- « On n’est jamais à l’abri d’autres mauvaises surprises », prévient Doroszczuk : d’autres problèmes de corrosion pourraient encore être détectés. L’inspection des différentes soudures, où la corrosion apparaît, est encore en cours.
- L’origine des problèmes de corrosion reste un mystère, explique le président également.
- Ces annonces ont eu l’effet d’une onde de choc sur le marché de l’énergie. Les prix sont partis en flèche pour atteindre 545 euros le MW/h, (livrable au premier trimestre 2023), soit plus du double du prix de l’électricité en Allemagne au même moment.
- Sur le long terme, il y a vraiment du souci à se faire. Le président de l’ASN estime « qu’il n’y a plus de marges de manœuvre, et que l’approvisionnement est menacé », rapporte BFM.
- Autrement, le président de l’ASN estime qu’on ne peut pas garder les centrales en vie plus longtemps que 50 ans. Mais le plan pour l’approvisionnement futur en énergie présenté par Macron propose de les garder en vie pendant 60 ans. Dans les années à venir, des complications pourraient donc encore avoir lieu : comme des pertes de production si les réacteurs sont arrêtés plus tôt que ce Macron prévoyait, ou si des défauts techniques apparaissent s’ils sont gardés en service trop longtemps, par exemple.
Voilà pour la France. Mais le fait que la moitié du parc nucléaire soit à l’arrêt pendant plusieurs années va toucher d’autres pays européens.
- La France est le pays européen qui a le plus de réacteurs nucléaires. La production d’électricité y est donc relativement bon marché.
- D’autres pays européens achètent cette électricité aux Français, ce qui est particulièrement intéressant dans le contexte actuel de hausse des prix du gaz et permet de réduire la facture totale pour les pays dépendants plus largement du gaz pour produire de l’électricité.
- Or, cette option est limitée en ce moment et dans les années à venir, avec les réacteurs à l’arrêt.
- Cet arrêt prolongé met également à mal les ambitions européennes de se passer du gaz russe, car la ressource alternative qu’est le nucléaire français est perdue.
- Pour l’hiver prochain, la situation semble donc se compliquer. Les pays sont censés remplir au maximum les réservoirs de gaz. La question est de savoir s’ils y parviendront à temps. Du moins, la perte de l’énergie nucléaire française va valoir comme une raison de plus de remplir les réserves autant que faire se peut.
- Dans tous les cas, l’approvisionnement pour l’hiver prochain semble d’ores et déjà devenir un casse-tête douloureux. Et bien sûr, qui dit risque d’approvisionnement dit montée en flèche des prix.