« Des effets très néfastes »: l’interdiction de l’avortement serait un fameux contretemps pour l’économie américaine

Avec une politique qui restreint ou interdit l’avortement, les femmes auraient moins d’opportunités dans le monde économique, ce qui serait un contretemps pour le marché du travail et pour la production. Les dépenses pour aides publiques augmenteraient également. La mort d’une femme, suite par exemple à un avortement clandestin, moins sûr, aurait aussi un coût économique important à l’échelle de la société.

« On ne peut que bannir les avortements sûrs », dit un slogan contre l’interdiction de l’avortement. Il est vrai que les femmes qui désirent interrompre leur grossesse trouveront d’autres moyens, comme se rendre à l’étranger si elles en ont les moyens, ou recourir à des méthodes clandestines et amateures, moins hygiéniques qu’une vraie intervention médicale, et comportant des risques pour leur santé et la vie des personnes. Mais au-delà de ces risques, un autre argument plaide également en faveur de l’avortement : son interdiction est mauvaise pour l’économie.

Les États-Unis sont tenus en haleine par l’attente de la décision de la Cour Suprême d’annuler ou non l’arrêt Roe v. Wade qui donnerait aux États le droit d’interdire l’avortement. 13 États ont déjà fait savoir qu’ils interdiraient immédiatement les avortements si la Cour Suprême l’autorisait, rapporte CNN Business.

« Effets très néfastes sur l’économie »

Selon de nombreux économistes, la restriction du droit à l’avortement serait un contretemps pour l’économie. Les femmes concernées auront notamment moins de possibilités de poursuivre des études supérieures et moins de chances de gravir « l’échelle sociale ». Elles seraient également exposées à plus de risques de précarité. Le marché de travail en serait donc affecté, tout comme la production économique dans son ensemble. Les dépenses publiques, via des aides, augmenteraient également, raisonnent les économistes.

« Les conséquences sont probablement si étendues qu’il est difficile de les quantifier », estime Jason Lindo, professeur d’économie à l’université A&M du Texas, cité par CNN. La semaine dernière, la secrétaire du Trésor (appellation américaine pour ministre des Finances) Janet Yellen a également plaidé dans ce sens, devant les députés. « Roe v. Wade et l’accès aux soins de santé sexuelle et génésique, y compris l’avortement, ont contribué à accroître la participation des femmes au marché du travail », expliquait-elle. Des restrictions auraient « des effets très néfastes sur l’économie ».

Ces tendances se montrent également dans les chiffres. Une étude de l’université de Californie à San Francisco montre que les finances d’un ménage ou d’une personne sont un élément déterminant pour un avortement. Une autre étude, réalisée par le National Bureau of Economic Research, montre que la majorité des femmes voulant interrompre leur grossesse, proche des limites des délais, ont des revenus en dessous du seuil de pauvreté. En d’autres mots, un enfant serait un poids économique trop lourd à porter pour les personnes à ce moment précis.

Cela a également un impact sur la vie future de l’enfant, et ainsi sur l’économie. « Il existe une énorme littérature montrant les effets à long terme de la situation économique du ménage dans lequel un enfant grandit. Sur le niveau d’instruction, les revenus à l’âge adulte, le recours aux programmes d’aide sociale, la participation à la criminalité, etc. La liste est longue », continue Lindo.

Un autre impact négatif sur l’économie est encore si une personne meurt. Ce qui devient plus probable si l’accès aux soins en général, et à un avortement sûr, est restreint. « Si une femme en âge de procréer meurt, cela a des conséquences économiques énormes », analyse David Slusky, professeur en économie à l’université du Kansas, cité par CNN. « C’est une personne sur laquelle la société a investi et qui a de nombreuses années économiques productives devant elle. »

Reste à voir si les arguments sanitaires et économiques, surtout avec la récession et autres nuages sombres qui se profilent à l’horizon, trouveront leur chemin jusqu’aux oreilles des personnes qui souhaitent interdire l’avortement pour des raisons essentiellement politico-religieuses.

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