L’Union européenne va annoncer cette semaine une nouvelle salve de sanctions. Parmi elles pourrait figurer un embargo progressif du pétrole russe. L’Allemagne penche désormais pour cette solution, mais a besoin « de quelques mois » pour s’adapter. La Hongrie brandit la menace d’un véto.
Après de nombreuses tergiversations, l’UE va-t-elle enfin boycotter le pétrole russe ? Cette décision se heurtait à la dépendance inégale de pays de l’Union européenne par rapport à l’or noir de Moscou, et en particulier de la Hongrie et de la Slovaquie, deux pays enclavés qui n’ont pas de port et ne sont reliés à aucun oléoduc européen. Leurs importations de pétrole dépendent donc uniquement des Russes. Il leur faut construire des infrastructures et trouver des alternatives.
L’Allemagne bloquait elle aussi des quatre fers, avant de revoir sa position la semaine dernière déjà. Mardi, le ministre allemand de l’Économie Robert Habeck a indiqué lors d’une visite en Pologne qu’un boycott du pétrole russe était désormais envisageable. Berlin est déjà parvenu à limiter ses importations de pétrole russe, de 33% avant le conflit à 12% aujourd’hui.
Désormais, estime Jörg Kukies, l’un des plus proches conseillers du chancelier Olaf Scholz, l’Allemagne n’a plus besoin que « de quelques mois » pour se passer du pétrole russe, alors qu’elle indiquait auparavant « la fin de l’année ».
La mesure bénéficie donc maintenant du soutien de la France et de l’Allemagne. Ce n’est donc plus qu’une question de temps, comprend le Financial Times.
Hongrie
Un 6e paquet de mesures sera décidé cette semaine. Les ministres de l’Énergie des 27 se réunissent d’ailleurs ce lundi à Bruxelles pour entamer les discussions.
Le but est d’encore durcir le ton alors que Moscou a décidé unilatéralement de couper le gaz à la Pologne et à la Bulgarie pour motif que les deux pays n’ont pas voulu payer leurs livraisons en roubles.
L’Union veut répondre par le pétrole. Deux tiers du pétrole russe est à destination du Vieux Continent. Après l’Allemagne, la dernière clé est sans doute la Hongrie: « Elle a jusqu’à présent toujours été au rendez-vous des sanctions et il faut éviter de lui donner un prétexte pour bloquer sur le pétrole », a commenté le responsable européen.
Un ministre du gouvernement hongrois a déclaré dimanche au diffuseur HirTV que la Hongrie mettrait son veto contres toutes les propositions d’embargo des énergies fossiles russes. « Étant donné que de telles décisions nécessitent l’unanimité, cela n’a aucun sens pour la Commission européenne de proposer des sanctions sur le gaz naturel et le pétrole brut qui limiteraient les achats hongrois », a estimé Gergely Gulyás.
Alternative
Le danger, bien sûr, c’est la flambée des prix, et donc une mesure qui pourrait s’avérer contre-productive si elle venait à faire plus de tort que de bien aux capitales européennes. Même les États-Unis qui ont déjà acté un embargo sur le pétrole russe – dont ils ne dépendent cependant pas – estiment que le boycott pur et simple n’est peut-être pas la meilleure solution.
« Nous devons être prudents avec une interdiction européenne complète des importations de pétrole », a mis en garde en avril la secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen.
Les États-Unis privilégient un plafonnement des prix. Il permettrait de payer un certain prix qui resterait rentable pour la Russie, mais qui limiterait ses énormes bénéfices. Le régime de Poutine a doublé ses gains depuis le début du conflit. Mais pour que la mesure soit efficace, il faudrait que ce prix s’applique « au-delà des Européens et des Américains », rétorque un responsable européen à l’AFP. Ce qui est peu probable.