Souvenez-vous. En novembre 2020, Virgin Hyperloop devenait la première entreprise du genre à effectuer, avec succès, un transport de passagers. Quinze mois plus tard, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. L’entreprise change ses objectifs… et licencie la moitié de son personnel.
Si c’est lui qui a ressuscité ce projet vieux depuis plusieurs siècles en 2013 via un livre blanc, Elon Musk semble s’être quelque peu détourné de l’Hyperloop. Du moins pour l’instant. Dans son sillage, plusieurs entreprises ont repris le filon. S’avancer à dire que l’idée de transporter des êtres humains à (environ) 1.200 km/h dans des trains évoluant dans des tubes sous vide peut déjà être enterrée, ce serait aller trop vite en besogne. Toutefois, le projet vient de prendre un fameux coup.
Virgin Hyperloop, une des figures de proue de ce moyen de transport futuriste, vient d’annoncer à 111 de ses employés – soit près de la moitié d’entre eux – qu’ils étaient démis de leurs fonctions. Une décision « absolument inattendue », d’après les dires de ceux qui se sont confiés au Financial Times. Du côté de l’entreprise, on a argué que cette réduction d’effectif permettrait de « réagir de manière plus agile et plus rentable » et on a expliqué que la décision n’avait pas été « prise à la légère ».
En parallèle, Virgin Hyperloop a annoncé changer sa cible. Elle ne visera désormais plus le transport de personnes, mais celui de marchandises. Un changement opéré suite aux « problèmes de la chaîne d’approvisionnement mondiale et tous les changements dus à Covid ».
Nombreux obstacles
En novembre 2020, Virgin Hyperloop avait pourtant réussi un test – le premier et le seul du genre jusqu’à présent – avec des passagers à bord. Deux responsables de l’entreprise avaient pris place à bord de l’engin, qui avait été propulsé à une vitesse maximale de 172 km/h sur 500 mètres. Évidemment, ces chiffres restaient bien loin de ceux ambitionnés sur le long terme (à savoir des tubes de plusieurs centaines de kilomètres permettant de lancer le « train » à plus de 1.000 km/h), mais cet essai s’était avéré encourageant, les deux occupants ayant trouvé l’expérience agréable.
Toujours est-il que ce succès n’avait pas effacé les obstacles sur la route de l’Hyperloop. Et ceux-ci sont toujours présents. En tête, on retrouve notamment le coût de telles installations. Ainsi, une liaison entre Abu Dhabi et Dubaï (une des seules qui a vraiment semblé tenir la route) aurait coûté 52 millions de dollars le mile (1 609 m) parcouru. Soit cinq fois plus que ce qu’avait imaginé Elon Musk il y a dix ans.
Ce coût reste toutefois similaire à celui d’une ligne de métro aux États-Unis, mais il y a bien d’autres problèmes à résoudre. À savoir, notamment, le cauchemar logistique qu’impliquerait l’entretien des tunnels de tubes qui, à la moindre faille, provoqueraient l’arrêt du réseau, pour les vider entièrement de leur air.
Parmi les autres difficultés pointées par les ingénieurs, on retrouve aussi la difficulté à faire prendre des tournants aux nacelles de l’Hyperloop.
Moins dangereux
Si l’on vous a dit que la ligne Abu Dhabi-Dubaï était l’une des pistes les plus chaudes, c’est surtout car l’opérateur logistique et portuaire de Dubaï, DP World (qui appartient au gouvernement de Dubaï), est le propriétaire majoritaire de Virgin Hyperloop, avec 76% des parts.
Selon la société, « il est tout à fait clair que les clients potentiels sont intéressés par le fret, tandis que le transport de passagers est un peu plus éloigné ». Tout simplement car « se concentrer sur [le fret] est plus facile à faire – il y a moins de risques que pour les passagers et moins de processus réglementaires ».
Si l’activité de transport de fret par Virgin Hyperloop s’avère fructueuse, DP World affirme que les bénéfices pourraient être réinvestis dans le développement d’une version passagers. En attendant, 15 clients potentiels seraient intéressés par une version cargo, le gouvernement saoudien envisageant notamment une route reliant sa ville portuaire de Jeddah à la capitale Riyad.
Le fait que Virgin Hyperloop abandonne – en tout cas pour l’instant – le transport de passagers ne signifie pas que tout le monde jette l’éponge pour autant. Quelques autres projets de ce type sont toujours en préparation. Dont un qui passerait par la Belgique, pour relier les Pays-Bas à la France. De son côté, la Chine est déjà bien avancée sur un train à très grande vitesse fonctionnant via une technologie différente – mais a priori moins chère – appelée « maglev » (pour « magnetic levitation »). Quelques lignes sont d’ailleurs déjà en service.