La France est militairement présente au Mali depuis 2013, dans une opération d’abord nommée Barkhane, qui avait pour but de mettre en échec les diverses mouvances djihadistes qui menaçaient ce pays ainsi que ses voisins directs dans la région du Sahel. Le retrait progressif des troupes françaises est toutefois confirmé depuis juin 2021. Il semblerait qu’il soit plus rapide que prévu, et qu’il comprendra aussi les forces des autres pays européens impliqués au Mali. Au grand avantage de la Russie.
Si Bakhane a plusieurs fois mis en échec les milices locales affiliées à l’État islamique ou à Al-Qaïda, l’opération s’est éternisée et les relations en la France et le Mali se sont progressivement détériorées. La succession de coups d’État dans le pays a suspendu la collaboration entre son armée et les troupes françaises, puis le président Emmanuel Macron a annoncé la fin de l’opération Barkhane le 10 juin 2021.
Bamako veut négocier, Paris reste sur ses positions
La Task Force Takuba, une coalition internationale à laquelle participe la Belgique devait succéder progressivement à l’engagement français. Mais cette mission sous l’égide de l’ONU et de l’Union européenne n’a pas fait long feu : face à l’hostilité croissante de la junte malienne, la France et ses alliés vont battre en retraite. Le ministre estonien de la Défense, Kalle Laanet, a confirmé lundi soir que les alliés ont convenu de retirer leurs troupes du Mali et a précisé que l’annonce aura lieu ce mercredi en soirée, lors d’un repas entre chefs d’État à Paris et à la veille d’un sommet de deux jours Union européenne-Union africaine à Bruxelles.
Outre que les Européens déplorent que les élections libres maintes fois annoncées dans le pays n’ont toujours pas été tenues, le désaccord porte sur les négociations avec les djihadistes : Paris s’y oppose fermement, tandis que Bamako y voit une manière d’approcher de la fin des hostilités. « On ne peut pas mener des opérations conjointes avec des pouvoirs qui décident de discuter avec des groupes qui, à côté de cela, tirent sur nos enfants. Pas de dialogue et de compromission », avait résumé Emmanuel Macron en juin dernier, rappelle France 24.
Présence russe fantôme
Autre gros écueil à la collaboration franco-malienne : en septembre dernier, il a été révélé que le pays -toujours contrôlé par une faction de l’armée – avait fait appel aux mercenaires de la compagnie d’origine russe Wagner Group. Une manœuvre inacceptable pour la France comme pour le reste de l’UE alors que ces soldats à louer semblent déjà obéïr aux ordres du Kremlin en Biélorussie, en Syrie, mais aussi en Centrafrique, et qu’ils sont réputés ne pas rechigner à commettre exactions et crimes de guerre. Les soldats de Wagner sont suspectés de consolider les intérêts russes partout où ils sont déployés, et Vladimir Poutine semble bien vouloir profiter du désamour entre la France et le Mali, traditionnellement dans la zone d’influence tricolore.
« Actuellement, il y a un alignement d’intérêts entre la junte, les jihadistes et les Russes qui veulent tous le départ des Français », analyse le spécialiste des mouvements jihadistes, Wassim Nasr, présent la semaine dernière à une conférence pour la paix à Nouakchott. « Tout porte à croire que dans les couloirs de cette conférence, des contacts ont été établis en vue d’aller plus loin dans cette option des négociations. »
Pas une défaite, mais un redéploiement
Du côté de Paris, on ne conçoit toutefois pas ce retrait annoncé comme un aveu de défaite : on compte au contraire adapter la stratégie pour empêcher la propagation du jihadisme vers le golfe de Guinée, déjà constatée dans le nord de la Côte d’Ivoire, du Ghana ou du Bénin. « Le président de la République a souhaité que l’on se réorganise, mais on ne part pas », a précisé le ministre français des Affaires étrangères. Le Niger voisin, l’un des alliés les plus fiables des Français, pourrait jouer un rôle central dans le nouveau dispositif, relève Libération.