Les obligations à deux ans auront-elles bientôt un rendement plus élevé que celles à dix ans (réputées plus risquées)? Les courbes en tout cas se rapprochent rapidement, et cet inversement de tendance a presque toujours été le signe précurseur d’une période de récession.
Jeudi dernier, les marchés américains ont appris la mauvaise nouvelle de l’inflation, qui a atteint 7,5% en janvier sur base annuelle. Elle a notamment provoqué une vague de ventes sur le marché boursier, mais également sur le marché des obligations d’Etat.
Le rendement des obligations d’Etat, à dix ans, a bondi au-dessus de 2%, pour la première fois depuis 2019. En fin d’année, il était encore autour de 1,5%. Le rendement sur les obligations à deux ans, a lui aussi bondi, et cela inquiète les investisseurs. Depuis le début de l’année, il a augmenté de 110%, pour s’établir à 1,5% aujourd’hui.
Pourquoi est-ce inquiétant? Sur dix ans, il est plus difficile de prévoir les risques, et donc les investisseurs attendent un plus haut taux d’intérêt sur ces obligations. Mais si le taux de l’obligation à deux ans dépasse celui de l’obligation à dix ans, cela veut dire que les deux années à venir sont plus imprévisibles que les dix années à venir, et que les investisseurs s’attendent à une détérioration importante et rapide du marché, ainsi qu’à un sérieux coup de frein de la Fed. Ce phénomène, précurseur d’une période de récession, s’appelle la « courbe de rendement inversée ».
Précurseur de la récession
La Réserve fédérale de San Francisco a fait les calculs, rapporte CNN. Dans une étude publiée en 2018, elle a constaté que depuis 1955, à chaque courbe de rendement inversée suivait une période de récession. A une seule exception, la récession n’est pas arrivée mais un ralentissement économique a tout de même pointé le bout de son nez (au milieu des années 60). En tout, elle a compté neuf périodes de récession.
Les investisseurs sont donc aux aguets. « Un signe de mauvaise augure » pour Jim Reid, stratégiste de la Deutsche Bank, qui observe la montée du rendement des « bons du Trésor » à deux ans.
La crainte est notamment celle-ci : que la Fed agisse trop vite, et coupe l’élan de l’économie, qui redémarre après le premier choc de la pandémie, provoquant alors une période de récession.
Indicateur vraiment fiable?
Il y a toutefois un bémol. L’étude de la Fed de San Francisco s’arrête en 2018. Or, en 2019, cet inversement de courbe a eu lieu, explique Michael Hewson, analyste des marchés pour CMC Markets, sans pour autant prédire quelque chose en particulier. Il y a bien eu une récession en 2020, mais elle était liée à l’émergence de la crise sanitaire. Pour lui, l’inversement de la courbe n’est donc « pas un indicateur nécessairement très fiable ».
Cependant, il pourrait s’agir d’un « avertissement pour la Fed qu’un resserrement trop rapide pourrait causer plus de dommages que prévu », continue-t-il. Ce qu’il craint plus que la récession, c’est la stagflation : « C’est la plus grande préoccupation en ce moment – que l’inflation commence à dépasser le PIB », explique-t-il.
Pour 2022, la prévision du Fonds monétaire international pour le taux de croissance de l’économie des Etats-Unis est de 4%. En 2021, le PIB américain était en hausse de 5,6%.