Dans une tribune publiée dans le Financial Times, le ministre français des Finances, Bruno Le Maire, explique pourquoi il juge que la Libra, la cryptomonnaie que Facebook veut lancer en 2020, constitue une menace pour la souveraineté nationale.
‘L’ambition mondiale de la Libra pourrait déclencher des risques antitrust et compromettre la stabilité financière’, affirme Le Maire. Il explique que les 2,4 milliards d’utilisateurs de Facebook confèreraient instantanément une envergure immense à cette cryptomonnaie.
Pas de cadre juridique pour la Libra
Le fait que ce soit un groupe de sociétés privées qui gère le panier de devises sur laquelle elle serait assise soulève un autre problème. Il n’existe pas de cadre juridique actuellement concernant l’utilisation et la gestion de cette monnaie. Les Etats ne pourraient pas non plus en créer un pour protéger les utilisateurs, dans la mesure où ils seraient dépossédés d’une partie de leur pouvoir, transférée aux entreprises privées propriétaires de cette monnaie.
Dans les pays où une grande partie de la population n’a pas accès à un compte bancaire, le risque est grand de voir les gens substituer totalement ces cryptomonnaies aux monnaies officielles. Ces pays courent donc le risque de perdre le contrôle sur leur économie, estime-t-il.
Une valorisation échappant à tout contrôle
Les pays développés ne sont pas pour autant à l’abri. Les sociétés qui gèrent le panier de devises de la Libra peuvent décider à leur guise d’en modifier la composition, sans en référer aux gouvernements, aux parlements ou même aux banques centrales. Cela pourrait conduire à des fluctuations importantes de sa valorisation, et perturber les marchés, ajoute-t-il. ‘Je ne peux accepter que la politique monétaire, l’un des outils les plus puissants d’un État souverain, relève de la compétence d’entités qui ne sont pas soumises à un contrôle démocratique’.
‘La souveraineté ne peut pas être partagée avec des intérêts privés’
D’après lui, cela ne signifie pas qu’il faille pour autant renoncer aux avancées technologiques que représentent les monnaies virtuelles et la blockchain. Il rappelle que la France s’est dotée d’un cadre juridique novateur concernant cette dernière.
Il indique qu’il a exhorté les membres du G7 à prendre des mesures pour simplifier les transactions transfrontalières trop lentes et trop coûteuses qui ont motivé la création de la Libra. De plus, il propose la création de ‘monnaies numériques propres aux banques centrales’. ‘Nous ne pouvons pas laisser la Chine être le seul acteur dans ce domaine. Notre indépendance est en jeu’.
Et de conclure : ‘Nous voulons que l’innovation financière respecte la souveraineté des États. Ni la souveraineté politique ni la souveraineté monétaire ne peuvent être partagées avec des intérêts privés.’