Selon Isabel Schnabel, économiste allemande et membre du conseil d’administration de la Banque centrale européenne (BCE), une économie à faible émission de carbone présente certains risques pour les taux d’inflation déjà très élevés.
Les politiques de la zone euro visant à lutter contre le changement climatique, telles que le label « énergie verte » de la taxonomie européenne, sont susceptibles de maintenir les prix de l’énergie à un niveau élevé pendant un certain temps. Cela pourrait obliger la BCE à réduire plus tôt que prévu ses mesures de relance, qui servent à amortir le choc de la pandémie. Isabel Schnabel, membre du bord de la BCE, l’a déclaré samedi lors de la réunion annuelle de l’American Finance Association.
Pourquoi exactement la transition énergétique nuit-elle aux chiffres de l’inflation ? Selon Schnabel, la transition des combustibles fossiles vers des alternatives plus vertes posera certains risques « mesurables à la hausse » pour l’inflation « à moyen terme ». Toutefois, la BCE avait précédemment prédit que les prix de l’énergie finiraient par baisser et que la banque maintiendrait une politique monétaire accommodante pendant au moins une année supplémentaire.
La BCE devra tenir compte d’un éventuel effet inflationniste de la transition vers l’énergie verte. « Dans certains cas, les banques centrales devront rompre avec le consensus dominant selon lequel la politique monétaire doit faire face à la hausse des prix de l’énergie pour assurer la stabilité des prix à moyen terme », affirme Schnabel.
« Le prix des combustibles fossiles doit continuer à augmenter si nous voulons respecter l’accord de Paris sur le climat »
Schnabel, qui est également professeur d’économie, est connue comme l’une des critiques les plus virulents du programme de la BCE, qui consiste à acheter massivement des obligations. Il y a deux ans, Schnabel a rejoint le conseil d’administration de la BCE. Parmi les cadres supérieurs de la banque centrale, elle est l’opposante la plus farouche au portefeuille d’actifs de 4,7 milliards d’euros que la BCE a constitué en sept ans, selon le Financial Times.
Les prix de l’énergie dans la zone euro ont connu une hausse hallucinante de 26 % en décembre par rapport à l’année précédente. Les prix du gaz, par exemple, ont atteint des sommets à plusieurs reprises, poussant le prix moyen de l’électricité à environ 196 euros par mégawattheure en novembre. Ce serait quatre fois plus que la moyenne avant la pandémie, estime Schnabel.
« Par le passé, les prix de l’énergie baissaient souvent aussi vite qu’ils augmentaient, mais la nécessité d’intensifier la lutte contre le changement climatique pourrait signifier que les prix des combustibles fossiles devront désormais non seulement rester élevés, mais même continuer à augmenter si nous voulons atteindre les objectifs de l’accord de Paris sur le climat », a conclu le membre du directoire de la BCE.
La transition énergétique nécessite des investissements collossaux, ce qui pourrait empêcher la BCE de toucher aux taux d’intérêts à moyen ou à long terme. L’inflation pourrait alors ne plus être freinée pour permettre aux Etats de s’endetter presque gratuitement. La politique monétaire reste sous tension et fait l’objet d’une intense critique de la part de certains économistes.