A l’heure de la COP26, des experts pointent un risque de crues catastrophiques qui ne va que s’accentuer si les émissions de gaz à effets de serre ne sont pas réduites: les lacs, particulièrement fragiles, créés par la font des glaciers. Avec une puissance de déversement énorme, ils peuvent détruire des vallées entières.
Avec le réchauffement climatique, les glaciers fondent, ce n’est rien de nouveau. Même si cela reste un élément ostentatoire de la catastrophe climatique. Mais dans la fonte des glaciers, un nouvelle menace vient s’ajouter : la création de lacs d’altitude, pouvant à tout moment se déverser dans les vallées.
Avec l’air chaud, les glaciers fondent et se rapetissent. La glace qui fond se transforme en eau, et cette eau cherche à couler vers le bas, comme le veulent les lois de la physique. L’eau qui découle de la fonte des glaciers s’amasse alors dans des lacs d’altitude, nouvellement créés. Le danger est que ces zones ne sont pas toujours propices à la rétention d’eau, ils n’ont pas de structure solide comme l’ont les lacs naturels, présents depuis des millénaires. Nombreux de ces lacs seraient sur le point de passer au-dessus de leurs berges improvisées, selon le média américain CNBC.
Des amas de débris comme barrage
Ces lacs peuvent se situer à différents endroits. Ils se forment là où l’eau s’évacue. En dessous des glaciers, au-dessus, à côté, ou encore dedans. L’eau peut être relâchée de manière soudaine, mais les facteurs qui déclenchent le déversement sont différents selon la nature du lac.
Si par exemple le lac est retenu par des rochers ou de la glace, il va s’écouler naturellement. Ce drainage ne risque pas de détruire le barrage naturel, à lui seul, de manière soudaine. Mais un élément extérieur, comme un glissement de terrain, peut perturber cette balance, et faire déborder le lac.
Mais des lacs peuvent aussi se former derrière des barrages de moraine, comme est appelé l’amas de matériel déposé par le glacier (lors de sa fonte), comme du sable, des petits rochers, ou des morceaux de glace. Ces barrages sont instables, et la masse grandissante de l’eau les met davantage sous pression. Le risque d’une avalanche, un déversement d’un lac situé plus en hauteur ou de fortes pluies peuvent encore ajouter des menaces supplémentaires sur ces barrages de fortune.
360 piscines olympiques par minute
Le danger de ce type de lac est que le déversement est imprévisible. Un déversement met en péril toute la vallée dans laquelle l’eau va se jeter. Ils peuvent durer des heures ou des jours. Des records de puissance des flux ont été enregistrés: 15.000 mètres cubes par seconde, comme si le contenu de 360 piscines olympiques descendait la vallée, chaque minute. Une étude de 2016, des glaciologues Jonathan Carrivick et Fiona Tweed a montré que plus 12.000 personnes sur terre avaient déjà perdu la vie à cause de crues d’eau de glaciers.
Le risque est le plus fort en Amérique Latine (dans les Andes) et en Asie centrale (l’Himalaya), trouve encore l’étude. La Suisse est également fortement exposée à ce risque. L’eau arrache tout sur son passage, infrastructures routières et industrielles, terres agricoles, maisons… Les images des inondations en province de Liège, en été 2021, à titre de comparaison, parlent d’elles-mêmes. La puissance de ces torrents de montagne est cependant encore beaucoup plus forte.
Le Népal, dans l’étude, est pointé comme le pays qui sera le plus touché, de manière économique, par l’augmentation de ce phénomène, notamment à cause du risque de destruction des sites de production d’électricité le long des torrents, une de ces principales sources de revenus. Ce pays, parmi les plus pauvres d’Asie, a déjà subi 18 crues de glacier, depuis 1977. Pour 11 seulement, les chercheurs ont pu identifier les environs des lacs d’où l’eau s’est déversée.
Le plus marquant a eu lieu en août 1985. Un rocher, avec une avalanche, est tombé dans un de ces lacs d’eau de glacier. Il faisait 1500 mètres sur 300, sur 18 mètres de profondeur. Il s’est vidé en quatre heures seulement.
Comment prévenir les crues?
Selon les glaciologues interrogés par CNBC, des mesures de prévention sont difficiles de mettre en place. Des cartes exactes des lacs pourraient être élaborées, ou des stations de prévision météo de haute altitude, ou encore drainer les lacs ou consolider les barrages naturels (ce qui est très cher et techniquement compliqué en haute montagne). Les experts demandent aussi plus de partage de données, à échelle internationale, et plus de compétences dans l’analyse des données, notamment en informatique, comme solution de prévention.
Sur le plus long terme, les dangers vont cependant augmenter avec le temps, estiment-ils. Plus les glaciers fondent, plus ces lacs vont se créer, et plus les risques de leur déversement imprévisible vont se multiplier. Une seule solution est pointée du doigt: réduire les émissions de gaz à effet de serre et limiter l’augmentation de la température.
Le journal scientifique Nature a publié un article, plus tôt en en 2021, qui estime que la fonte des glaciers a doublé en vitesse sur les 20 dernières années. Cette fonte ferait plus monter le niveau des mers que la fonte des glaces de l’Antarctique et du Groenland. Les scientifiques du climat, du monde entier, avertissent que cette fonte ne fera qu’augmenter, s’il n’y a pas de réductions rapides et à large échelle des émissions de gaz à effets de serre.