La collaboration annoncée entre l’agence de voyage de l’espace et le constructeur de vaisseaux s’arrête là, par faute de candidats au grand décollage. Space Adventures préfère se concentrer sur la collaboration avec Roscosmos et ses Soyouz éprouvés depuis 60 ans. Mais il n’est pas exclu que la société d’Elon Musk compte en fait reprendre le flambeau du tourisme spatial de manière autonome.
On arrête ni le progrès, ni la commercialisation de ce progrès, et la conquête spatiale en est sans doute un des meilleurs exemples. Avec, cela va de soi, une concurrence exacerbée, surtout dans des marchés de niche. C’est là le modèle commercial de Space Adventures, une firme spécialisée dans tout ce qui relève de près ou de loin du tourisme spatial et de la commercialisation d’une expérience ordinairement réservée aux astronautes. Or celle-ci vient d’annoncer qu’elle préférait collaborer avec l’agence spatiale russe et ses capsules Soyouz plutôt qu’avec le vaisseau Crew Dragon de SpaceX, pourtant construit pour le compte de la NASA. Un mauvais revers, pour la firme fondée par Elon Musk. Du moins en apparence.
Manque de candidats pour le grand voyage
Ce genre de collaboration aurait pu offrir une superbe vitrine à SpaceX, qui a déjà frappé fort en septembre dernier avec le premier vol spatial sans astronautes professionnels, dans le cadre de sa mission Inspiration 4 : quatre touristes de l’espace ont pu voler autour de la Terre pendant trois jours. Mais ce grand coup de marketing n’a pas suffit à convaincre Space Adventures, qui a décidé d’abandonner, pour l’instant, la commercialisation de vols touristiques à bord du Crew Dragon de SpaceX. La firme ne s’interdit pas de revenir au vaisseau américain un jour, mais pour l’instant elle se satisfait amplement des bons vieux Soyouz de l’agence spatiale russe Roscosmos. Il faut dire que le prochain vol prévu par la société, envisagé pour le premier semestre 2022, a été annulé faute de candidats. « La mission a été commercialisée auprès d’un grand nombre de nos clients potentiels, mais en fin de compte, la combinaison de prix, de timing et d’expérience n’était pas correcte à ce moment-là et notre contrat avec SpaceX a expiré » résume Stacey Tearne, le porte-parole de l’entreprise.
Soyouz inusable, mais fort demandé
Space Adventures, fondée en 1998, a déjà subit les déboires inhérents à la conquête spatiale. En 2011, le retrait des navettes spatiales américaines, jugées trop vieilles et trop dangereuses, a fait reposer le ravitaillement de l’ISS sur les épaules seules du programme Soyouz, initialement soviétique et aujourd’hui russe, et réputé pour la durée de vie toute en rusticité de ses vaisseaux conçus durant la guerre froide. Ce qui avait de facto privé Space Adventures de nombreuses opportunités de vols touristiques. L’arrivée du Crew Dragon, lui aussi capable de ravitailler la station en orbite, avait offert une bouffée d’air à l’agence de voyage des vraiment très riches.
SpaceX, de partenaire à concurrent ?
Cette décision peut donc surprendre, et certains observateurs de cette course économique particulière se demandent si ce n’est pas plutôt SpaceX qui a revu ses objectifs. Car la firme d’Elon Musk jouit d’une image publique incontournable, et il n’est pas anodin que pour la mission Inspiration-4, elle ait été directement contactée par l’homme d’affaire et pilote Jared Issacman, sans passer par des intermédiaires. Musk a tendance à aimer que ses différentes entreprises soient actives sur des terrains divers et variés, et surtout qu’elles soient autonomes. Il n’est donc pas impensable que SpaceX, ou une firme-satellite, ne finisse par proposer d’elle-même des sauts de puces aux portes de l’espace pour terriens nantis.