Les tensions croissantes entre la France et le Royaume-Uni inquiètent les Américains

Les États-Unis ont fait de nombreuses concessions pour apaiser l’ire de la France face à la révélation des accords AUKUS. Mais à Londres, on semble faire l’autruche, tant les relations avec Paris se tendent aussi sur d’autres dossiers, au grand désespoir des Américains qui prônent la solidarité. Et aucune nouvelle depuis Down Under.

Pourquoi est-ce important ?

En septembre, une crise diplomatique durable s'est déclarée entre la France d'une part, et l'Australie, la Grande-Bretagne et les États-Unis de l'autre. L'Australie a unilatéralement mis fin à un juteux contrat d'achat de sous-marins au profit d'une collaboration accrue avec les pays anglo-saxons dans le cadre de AUKUS, une nouvelle alliance stratégique dans le Pacifique. Or celle-ci fait perdre à la France un contrat à 56 milliards d'euros, mais remet aussi en question son statut de grande puissance dans la zone indo-pacifique. Paris a signifié fermement que la confiance dans ses alliés anglophones avait été ébranlée.

Alors que la COP26 se prépare à Glasgow et que de nombreux chefs de gouvernement vont se réunir dans la ville écossaise pour un cycle de conférences sur les menaces du changement climatique, on se doute que d’autres dossiers seront abordés en coulisse. Mais pour la diplomatie américaine, ce sont les nuages qui s’amoncèlent au-dessus du Channel qui suscitent le plus de craintes. Selon The Guardian, Washington s’inquiète de voir que Londres ne fait rien pour se réconcilier avec Paris suite à la crise des sous-marins australiens, le mois dernier.

Les Américains, pour leur part, reconnaissent la fureur française et jouent la carte de la réconciliation : leurs diplomates multiplient les rencontres avec des ministres français, tandis que le président Joe Biden a annoncé un meeting en face à face avec Emmanuel Macron durant le prochain G20, à Rome. La France d’ailleurs en profite pour obtenir des engagements inédits de la part des USA, comme de lui octroyer un rôle prépondérant au sein de l’Otan, mais aussi de la soutenir davantage dans son engagement militaire au Sahel.

“Donnez-moi un break”

Sauf que du côté britannique, il n’y a aucun effort équivalent pour normaliser les relations, au grand dam des Américains comme le confiait un diplomate: « Nous avions espéré un tabouret à trois pieds composé de la Grande-Bretagne, de l’Europe et des États-Unis, mais nous devons plutôt démêler tout un écheveau de discussions distinctes afin de joindre séparément les démocraties en Europe, au Royaume-Uni et en Asie. » Londres a bien promis de proposer un accord à Paris, mais à l’Élysée ont attend toujours selon le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, qui ajoute que la balle demeure du côté de Downing Street. Mais quand les Américains ont tenté d’exhorter Boris Johnson à faire un geste, celui-ci aurait rétorqué au téléphone, et en français dans le texte, “donnez-moi un break”.

L’Entente cordiale prend l’eau

Il faut dire que les deux nations de part et d’autre de la Manche ont bien d’autres pommes de discorde à digérer. Les Britanniques estiment que les Français n’en font pas assez dans la lutte contre l’immigration clandestine, malgré des promesses financières, et menacent de remorquer des migrants interceptés en mer vers les côtes françaises, ce qui est illégal. Tandis que les Français considèrent que Londres ne respecte pas les accords de pêche post-Brexit, et se disent prêt à réduire la quantité d’électricité fournie aux îles anglo-normandes de Jersey et Guernesey.

Du reste, l’Australie non plus ne semble pas jouer le jeu de la réconciliation, et les déclarations de Le Drian concernant la politique de Canberra restent, au mieux, froides: « Ils ont fait un saut dans l’inconnu en choisissant de recourir à une technologie que les Australiens ne maîtrisent pas et ne maîtriseront pas à l’avenir. Ils se placent ainsi entièrement à la merci de l’évolution de la politique américaine. Je souhaite que notre partenaire australien, qui a fait ce choix pour des raisons de sécurité – justifiées par l’escalade des tensions avec la Chine – au détriment de la souveraineté, ne découvre pas plus tard qu’il a sacrifié les deux. »

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