Après avoir tenté de développer un service de milices privées et de se substituer aux patrouilles de police, l’application Citizen lance un nouveau service, baptisé Protect. Il offre plusieurs fonctionnalités – à l’utilité très discutable – pour vous protéger face aux criminels.
Citizen s’autoproclame « application de lutte contre le crime ». À l’origine, cette application, disponible dans une soixantaine de villes américaines, repose sur le fait que ses utilisateurs signalent le moindre incident qui se passe devant eux (incendie, accident de voiture, fusillade, catastrophe naturelle, enlèvement, etc.) pour alerter les personnes se situant à proximité. Afin que ces dernières échappent au danger en question.
Lorsqu’un problème survient, tous les utilisateurs concernés par l’événement peuvent également communiquer entre elles pour tenter de le solutionner ou, dans le pire des cas, se donner des consignes pour fuir.
Depuis le lancement de Citizen en 2016, ses développeurs ont testé toute une panoplie d’autres fonctionnalités. Par exemple, ils ont récemment eu l’idée d’envoyer des équipes de sécurité dans des quartiers où les habitants en faisaient la demande. Face aux critiques, le projet a finalement été abandonné.
Actuellement, Citizen fonctionne toujours principalement sur son procédé initial. Mais il a été agrémenté de vidéos en direct, prises par les témoins. Cela permet, au mieux, de mieux saisir l’ampleur du danger, au pire, d’outil de voyeurisme. Éventuellement, ces vidéos peuvent donner de meilleures chances d’échapper à l’incident.
Intermédiaire avant la police
Cette semaine, l’application a annoncé le lancement d’un nouveau service, premium: Protect. Il coûte 20 dollars par mois. Cette fois, Citizen ne vous envoie plus directement des agents de sécurité, mais elle vous met en contact avec eux à distance.
Citizen définit Protect comme un « abonnement de protection mobile, personnalisé et à la demande, qui vous donne accès 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 à l’équipe d’agents Protect hautement qualifiés de Citizen ».
Concrètement, Protect vous met en ligne avec un agent. Vous lui expliquez votre problème et il vous donne des conseils pour vous mettre en sécurité. Si vous le demandez – et s’il le juge utile – il contacte le 911 (la police) à votre place, renseignant notamment aux forces de l’ordre votre position grâce au système de géolocalisation de votre téléphone.
Avant son lancement pour tous les utilisateurs de Citizen, Protect a été testé auprès de 100.000 personnes via une version bêta. Visiblement, ça a donné satisfaction. Les développeurs de l’application se félicitent notamment du fait que ses agents ont pu désamorcer certaines situations par eux-mêmes, permettant de ne pas appeler la police inutilement. Ils donnent ainsi l’exemple d’une dispute entre colocataires, qui a pu être réglée grâce au bons mots de l’agent Citizen.
Pourquoi payer 20 dollars quand on peut le faire gratuitement ?
À priori, payer 20 dollars par mois pour qu’un intermédiaire effectue un service gratuit – en l’occurrence, appeler la police – à votre place n’est pas très vendeur. Mais Citizen a des arguments à faire valoir.
En plus de pouvoir discuter avec l’agent de sécurité par téléphone ou en visio, l’application permet de communiquer par écrit. Au cas où l’appelant « ne veut pas être vu en train d’appeler le 911 », explique Citizen. Cela peut notamment être le cas lorsqu’un quelqu’un est victime d’une prise d’otage et qu’il veut éviter d’être repéré par son ou ses agresseur(s).
Une autre option, assez semblable, permet d’appeler un agent simplement en secouant son téléphone, pour ne pas éveiller les soupçons. Un appel se déclenche automatiquement. Même si la victime n’est pas en mesure de parler, l’agent au bout de la ligne peut écouter ce qu’il se passe aux alentours. S’il se rend compte qu’il y un réel danger, il demande à la police de dépêcher une équipe sur place.
Mais ce n’est pas tout. Protect comporte aussi l’option « Détection de détresse ». Lorsqu’elle est activée, une technologie à base d’intelligence artificielle surveille le son qui provient de votre téléphone en permanence. Si elle détecte un bruit pouvant être synonyme de grave danger – comme un cri d’effroi – l’application s’allume directement et propose d’être directement mis en contact avec un agent. Si l’utilisateur ne réagit pas dans les dix secondes, l’appel se déclenche automatiquement.
Fiable, vraiment ?
Au vu des antécédents de l’application (elle a notamment lancé une chasse à l’homme avec une récompense pour mettre la main sur un prétendu pyromane, qui s’est avéré être totalement innocent), le lancement de ce nouveau service pose question.
Citizen assure que ses agents sont des « experts en sécurité hautement qualifiés », qui ont même parfois de l’expérience en tant que travailleurs sociaux ou dans des services de réception téléphonique des urgences ou de la police. Toutefois, le média Fast Company a remarqué que les capacités demandées par l’entreprise dans ses offres d’emploi étaient « minimales ».
Qu’à cela ne tienne, Citizen assure que ses employés suivent une formation de réceptionniste en sécurité publique de quatre semaines, qui comprend notamment une formation sur les préjugés et la santé mentale.
Les détracteurs de Citizen déplorent le fait que ses dirigeants surfent sur le business de la peur et de la criminalité, incitant chacun à surveiller, filmer et alerter au moindre incident, rendant ses utilisateurs paranoïaques. Ses défenseurs soulignent en revanche que sa nouvelle fonctionnalité peut réellement être bénéfique. Notamment pour les personnes qui hésitent voire qui craignent d’appeler la police, soit parce qu’elles ne lui font pas confiance soit parce qu’elles ne sont pas certaines que le danger qu’elles encourent en vaille la peine.
Pour aller plus loin: