La Lituanie se rapproche de Taïwan et s’attire les foudres chinoises

Taipei va installer une représentation permanente à Vilnius. C’est la première fois qu’un pays de l’Union européenne ouvre des relations officielles avec Taïwan. La Lituanie a décidé de tourner résolument le dos à la République populaire de Chine. Quitte à en assumer les conséquences.

C’est un petit geste pour deux petits pays, mais un tonnerre géopolitique pour le monde, et pour l’Europe en particulier. Le gouvernement de Taïwan a annoncé son intention d’ouvrir une représentation officielle en Lituanie dans le courant de l’été. C’est la première fois, depuis 18 ans, que l’île qui porte encore le nom officiel de République de Chine sera représentée au sein de l’Union européenne.

Côte à côte avec le Saint-Siège

Il faut dire que les relations entre les deux pays sont au beau fixe : au plus fort de la seconde vague du coronavirus, au printemps dernier la Lituanie a fourni à Taïwan 20.000 doses de vaccins. Et le pays balte compte aussi envoyer une mission économique officielle sur l’ancienne île de Formose à l’automne prochain. La Lituanie se place ainsi à contre-courant de la politique européenne, qui ne reconnait pas de relations officielles avec Taïwan autres que commerciales. Seuls 16 pays représentés aux Nations-Unies reconnaissent encore le gouvernement de Taipei ; aucun n’est en Europe, à l’exception du Saint-Siège du Vatican.

Défiance envers l’Empire du Milieu

À l’origine de cette ouverture à la République de Chine issue de l’exode du gouvernement nationaliste à l’issue de la guerre civile, en 1949, il y a aussi la défiance croissante de Vilnius envers « l’autre Chine ». La République populaire, qui est devenue au fil des décennies la Chine officielle, et qui voit en Taiwan une province rebelle, ne fait plus du tout rêver les Lituaniens. En mai dernier, leur gouvernement a entrepris de se retirer du groupe “17+1”, l’entente entre les pays d’Europe centrale et orientale et la Chine. Le Parlement a aussi adopté une résolution pour la défense des Ouïgours, minorité fortement réprimée en Chine, et il soutient la lutte pour les droits humains à Hong Kong. Les Lituaniens sont allés jusqu’à interdire l’usage de technologies chinoises à l’aéroport de Vilnius.

Au nom des droits humains

Des mesures drastiques que Vilnius considère comme de l’honnêteté intellectuelle: s’opposer à la Russie sur la question des droits humains mais collaborer avec la Chine, qui fait pire, serait une position intenable pour le gouvernement qui va devoir en assumer les conséquences. Car l’Empire du Milieu est furieux de se voir ainsi défié, devant toute la scène internationale, par la petite république balte. La Chine a déjà averti « qu’elle ne devait pas envoyer de signaux trompeurs aux forces indépendantistes de Taïwan. » Une menace prise au sérieux par le professeur à l’Institut de sciences politiques de Vilnius Kestutis Girnius, interrogé par le média local LRT: « Le plus grand risque est celui d’une cyberattaque contre les infrastructures lituaniennes. Je ne sais pas si la Chine s’y risquera, mais il faut prendre en compte une telle éventualité et s’y préparer.” Des représailles qui reviendraient, de facto, à s’en prendre à un pays de l’Otan. En tendant la main à Taïwan, la Lituanie fait donc un geste qui rappelle plutôt David armant sa fronde face au géant Goliath.

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